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12 février 2012 7 12 /02 /février /2012 17:41

Claude Lévêque, représentait la Franceà la 53° Biennale de Venise en 2009. Il est connu pour de monumentales installations sollicitant tous les sens, parfois violemment. La dernière œuvre de Claude Lévêque, c’est un livre. Pas un livre d’art ni même un livre d’artiste à tirage limité. Non, c’est … « un-livre-de-Claude-Lévêque ». Oh, il avait déjà réalisé plusieurs livres d’images. Mais là, c’est un livre avec de l’écriture et des photographies. Quand Claude Lévêque s’empare du médium livre c’est pour le soumettre à sa sensibilité, à sa créativité. Sans rien casser. Il s’agit d’un beau petit volume relié de 260 pages aux Editions Dilecta.

Nevers-let-love-in.jpgDe quoi est-il question au fait ? De la ville natale de l’auteur, Nevers, et d’amour. Le titre prévient : « Nevers let love in » C’est bien de savoir que « let love in » renvoie au titre d’une chanson de Nick Cave, le rocker ténébreux. Mais l’amour au centre c’est celui de la mère, récemment décédée, accompagnée jusqu’aux dernières heures. Jusqu’aux cendres. Des photos de famille évoquent l’enfance, d’autres la guest star : Catherine Deneuve qui devine en Claude Lévêque l’enfant unique.
Mais c’est dans le rapport entre écriture et images que l’art de Claude Lévêque fait merveille. Sûr, les photos n’illustrent pas le texte, elles font texte. D’ailleurs, plusieurs représentent du texte : des graffitis, des panneaux publicitaires ou routiers, une page d’écriture… mais aussi en néon comme certaines œuvres de Claude Lévêque dont celle qui clôt tout le livre : « la vie est belle » écrit par la main aveugle et tremblante de la mère de l’auteur peu de temps avant son décès.
Vous comprenez, je vous décris ça froidement mais je devrais dire d’abord que le livre-de-Claude-Lévêque ressemble à une sorte de journal intime. Aussi intime que pudique. Pudique parce que poétique. D’une poésie bien particulière, âpre et crue, mais méchamment tendre comme celle des garçons maladroits qui te cognent en t’embrassant. Peluches et béton. La poésie aussi de ces « no mans land » à la périphérie des villes, ignorés des urbanistes mais peuplés de songes de clowns mutilés, de souvenirs et de désirs tus. La poésie que l’artiste sait déceler là même où ça fait mal : médiocrité grasse, kitch standardisé. Déchets et rebuts.
« Même lorsqu'il scrute les plus obscures profondeurs de l'âme ou les plus bouleversants aspects du mal, l'artiste se fait en quelque sorte la voix de l'attente universelle d'une rédemption » affirmait Jean-Paul II. L’art de Claude Lévêque peut donner un avant goût prophétique de cette rédemption.
 « Nevers let love in » - qu’on risque d’entendre « Never let love in » : ne laisse jamais entrer l’amour – vient de paraître aux éditions Dilecta, un livre de chevet d’une grâce singulière.

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6 février 2012 1 06 /02 /février /2012 10:09

Seminaristes-parisiens-devant-Or--verre--lin-de-Marc-Coutu.JPG

Avec un petit groupe nous regardons une œuvre de Marc Couturier dans les collections permanentes du Centre Pompidou. Depuis cinq minutes, en silence. Face à face, presque un affrontement. D’un côté, une pièce de tissu sur deux cloches de verre reposant sur une sorte de tablette située à la hauteur moyenne des yeux ; de l’autre, un groupe de jeunes gens de moins de trente ans en formation à la faculté Notre-Dame du Diocèse de Paris. Très scrupuleusement ils observent la règle d’observer, tous les sens à l’affut, quelque chose que pour la plupart d’entre eux ils n’auraient pas considéré comme une œuvre d’art.
La qualité de leur description attentive va permettre une élaboration de sens. Leurs remarques ? « Il n’y a pas de couleurs, tout est blanc et ombre sauf des reflets pastels dans le verre ; l’or, ses reflets et ses éclats révèlent la dignité des deux autres matériaux ; le linge en équilibre, délicatement posé sur les deux cloches ; l’ensemble parait suspendu, comme en lévitation ; les jeux de lumière, les ombres et les éclats font partie de l’œuvre : c’est même l’ombre portée qui nous informe sur la forme de la tablette ; et cette tablette qui passe quasiment inaperçue est le seul élément travaillé, jusqu’à la dorure à la feuille. » Effectivement, cette lame au bord très affiné a été obtenue par un long et patient ponçage. Comme le corps de de la croix et de la gloire du chœur de Notre-Dame, et comme la lame insérée dans l’autel de Saint-Denis du Saint Sacrement, deux œuvres commandées à Marc Couturier par l’Eglise Catholique à Paris.
Ce sont les séminaristes de Paris qui ont organisé très librement une session sur le thème « QUEL ART POUR LA NOUVELLE ÉVANGELISATION ? » Tout un programme que ce titre ! L’art y parait d’emblée instrumentalisé en outil de communication d’un message. Juste ce que l’art doit toujours éviter de devenir, un instrument de propagande au service d’une doctrine, même excellente. Il y perdrait son âme.
Le titre de l’œuvre sur le cartel tout proche, « Lin, verre, or », focalise l’attention sur des matériaux. L’artiste préfère les énumérer dans l’ordre ascendant « or, verre, lin » ce qui laisse entendre vers l’un à comprendre peut-être « vers l’unité ». Peu à peu nous comprenons ensemble qu’il ne s’agit pas de comprendre mais d’accueillir l’aura d’une présence et les sensations inhabituelles qu’elle suscite. L’observation de cet énigmatique dispositif nous entraine à accueillir quotidiennement la grâce d’une incertitude dans nos velléités conquérantes. La gratuité de l’art suspend un instant les raisonnements et les convictions. Puissions-nous laisser l’art ouvrir ainsi en nous des voies nouvelles de contemplation. Il devient peu à peu un auxiliaire gracieux sur le chemin du Mystère qui est lui-même Chemin, Vérité et Vie.

« Or, verre, lin » de Marc Couturier à découvrir dans les collections permanentes du Centre Pompidou ainsi que « La Croix et la gloire » qui domine la Pietà de Coustou au point culminant du Chœur de Notre-Dame de Paris. 

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30 janvier 2012 1 30 /01 /janvier /2012 13:45

A Montmartre, au pied de la Butte - pas au sommet, la Halle Saint-Pierre propose « Hey ! » une exposition qui célèbre la rencontre entre culture populaire et art moderne. Pourquoi je vous parle de cette exposition mal famée ? Déjà, on peut y voir Churchtank, l’œuvre de Kris Kuksi dont je vous parlais la semaine dernière ; mais bien d’autres œuvres risquent de vous surprendre et de vous faire froncer les sourcils. Allez dans ces milieux hétérodoxes – pensez donc, entre Barbès et Pigalle ! - risquez-vous avec les formes les plus inattendues, insolites et hors normes de la création contemporaine. Vous n’osiez pas avouer votre goût pour les décors de fêtes foraines, les chromos des illustrés de votre enfance ou les costumes de catcheur ? Eh bien, entre kitch, paillettes, et bibelots détournés, la nostalgie n’est plus ce qu’elle était : elle devient contemporaine. Comment ? Par refus du modernisme à la mode.

A la Halle Saint-Pierre, vous ne trouverez pas d’art conceptuel ni d’hygiène puritaine ni de prétentions métaphysiques. C’est plein de représentations, de chair et de corps, d’animaux et d’êtres hybrides ; ça pourrait sentir la sueur et la viande. Les difformités ne font pas peur, la peau souvent tatouée manifeste l’obscure complexité de notre intériorité. Parce que – vous savez- on ne tue pas ses fantasmes et ses obsessions, on apprend seulement, peu à peu, à les apprivoiser. Avec art.Martin-Wittfooth_The-Blind-Fisherman_2009.jpg

Il ne s’agit pas, non plus, de s’encanailler - comme les mondains ont toujours aimé le faire - mais de réveiller son goût avec des saveurs épicées, en le sortant des ornières qui font les sentiers battus. On vous a appris qu’il ne fallait pas fréquenter les voyous ? Mais Jésus fréquentait les voyous, les pécheurs et les publicains ; et c’est même une païenne étrangère qui l’a aidé à formuler clairement qu’il n’est pas seulement envoyé aux bien-pensants de sa famille religieuse. Il l’en admire.

Les milieux populaires se font de plus en plus rares dans notre Eglise comme ? Dans le monde de l’art aussi, d’ailleurs ? Pas à la Halle Saint Pierre. L’art y échappe perpétuellement aux règles et aux normes que la culture dominante veut lui assigner. Il fuit le bon goût des définitions savantes et n’hésite pas, lui, à fréquenter les voyous. « L’art ne vient pas coucher dans les lits qu’on a faits pour lui, disait Jean Dubuffet en 1960 ; il se sauve aussitôt qu’on prononce son nom : ce qu’il aime c’est l’incognito. » Alors, chut ! N’en parlons plus mais vivons une petite aventure de la perception qui pourrait bien devenir une ouverture spirituelle sur la réalité de notre humanité commune.

HEY! MODERN ART & POP CULTURE, jusqu’au 4 mars 2012 à la Halle Saint-Pierre, 2 rue Ronsard - 75018 PARIS - France - Tel. +33 (0)1 42 58 72 89, horaires : tous les jours, de 10h à 18h. http://www.hallesaintpierre.org/index.php?page=expos

*Image : Martin Wittfooth,The Blind Fisherman, 2009

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27 janvier 2012 5 27 /01 /janvier /2012 03:17

Dans une vitrine, un curieux engin à chenillettes : une sorte de tank en modèle réduit, méticuleusement réalisé en métal. Mais le fut du canon sort par le portail d’une petite église gothique. Vous voyez ce que je veux dire ? Cette œuvre, Churchtank, réalisée en 2010 par Kris Kuksi se trouve dans l’exposition intitulée « Hey ! » à la halle Saint Pierre. Aujourd’hui je vous raconte ma petite méditation avec cette œuvre ; la semaine prochaine on parlera de l’expo. Revenons à Churchtank = une église tank. Evidemment, le rapprochement est violent. Est-ce ainsi que le monde de l’art perçoit notre Eglise ? Le choc de l’oxymore visuel ne suffit pourtant pas à décrire l’objet. Il en émane un certain charme, celui peut-être de la nostalgie. Il s’agit d’une petite église de campagne, le canon rappellerait plutôt la première guerre mondiale et la réalisation suppose une grande patience. Le tout évoque un jouet ancien, amoureusement conservé par un collectionneur. Du temps passé pour un temps révolu.

Je repense au cahier des Bernardins : « L’art contemporain, un vis-à-vis essentiel pour la foi » signé Jérôme Alexandre - je continue d’en recommander la lecture. Dans la suite du dernier Concile qui invitait « les artistes à établir des échanges avec la communauté chrétienne » Jérôme Alexandre appelle à une plus grande « confiance en la fécondité de la relation à l’autre ». on comprend cependant, que les disciples, envoyés comme des brebis au milieu des loups, cherchent à se protéger du monde auquel ils sont confrontés. C’est humain. Notre tentation est grande soit de dégrader la confrontation en affrontement, soit d’affirmer indéfiniment notre identité. Le vis-à-vis essentiel pour la foi qu’est l’art contemporain, requiert une plus grande conversion à Jésus-Christ, une plus grande confiance : la foi en Dieu à l’œuvre par son Esprit Saint au cœur même de la création. Dieu se mêle de ce qui le regarde !

P1060154Les pharisiens reprochaient déjà à Jésus de fréquenter les publicains et les pécheurs avec trop de bienveillance. L’Evangile n’appelle pas des "disciples de combat" pour dresser des murs de définition contre le monde, en particulier le monde de l’art. Jésus continue de nous envoyer comme des brebis au milieu des loups, sans armures ni tanks. L’Eglise, corps-du-Christ-donné-pour-le-monde, est promesse de réconciliation et de paix. Le premier message que Jésus demande à ses disciples quand ils entrent dans une maison c'est "Paix à cette maison !". « à présent, dans le Christ Jésus, vous qui jadis étiez loin, vous êtes devenus proches, grâce au sang du Christ. Car c'est lui qui est notre paix, lui qui de deux (réalités) n'en a fait qu'un(e), détruisant le mur qui les séparait : la haine. » Ayons l’audace d’un vis à vis bienveillant avec le monde. Des œuvres d’art déjà travaillé par l’Esprit Saint nous appellent non à une Churchtank mais au signe prophétique d’une humanité réconciliée avec Dieu en un seul Corps.

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16 janvier 2012 1 16 /01 /janvier /2012 14:23

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Au quinzième siècle, des pèlerinages s’achevaient encore par une sorte de carole autour de nos sanctuaires. « Dansez de joie, confie Jésus à ceux qu’on insulte à cause du Fils de l’Homme, car dans le ciel votre récompense est grande ». Ultime aboutissement de la quête de Dieu, la danse des chamanes ou des derviches, en est aussi la base, et celle de Shiva manifeste le renouvellement périodique du monde. Foi chrétienne, soufisme, hindouisme… Danse et religions, même combat ? Au Centre Pompidou, jusqu'au 2 avril, une exposition invite à « Danser sa vie ». Entrons !

D’emblée une vidéo capte le regard. On est en 1912. Vêtu d’une peau végétale et coiffé de jeunes cornes, Vaslav Nijinski danse le « Prélude à l’après-midi d’un faune » de Claude Debussy. On est loin des conventions du ballet classique : Nijinski donne à son corps des soubresauts de pulsions et de désirs que les bonnes mœurs occultent. Scandale ! A l’aube du XXème siècle, la beauté échapperait au raisonnable ?! La beauté de la vérité de l’être en tout cas. «Mon art est un effort pour exprimer en gestes et en mouvements la vérité de mon être. Dès le début, je n’ai fait que danser ma vie » disait Isadora Duncan. Manifester la vérité de l’être, telle est la quête de tout art. Et Auguste Rodin a sculpté la danse de Nijinski. Cette exposition, « Danser sa vie », fait dialoguer art et danse. Elle donne à penser.

Dans nos sociétés occidentales, on ne s’intéresse qu’à la réalité matérielle du corps humain, coupé de ses représentations sociales et imaginaires. En revanche, danse et art contemporains exaltent les jeux du corps - inquiétants mais libres - de l'intérieur avec l'extérieur. La danse fait ainsi accéder à la lumière, avec élégance, nos émotions déraisonnables et effrayantes que la bienséance bourgeoise ne peut ignorer. Ces soubassements primitifs et troublants de nos constructions rationnelles et raisonnables, associés à la vertu qui conduirait au bonheur, ont pour fine pointe la folle expérience ek-statique des mystiques. Entre excès et ascèse, l’ivresse de la danse entrevoit une joie indicible comme le souhaitait Jean-Paul II aux artistes : « Puissent vos multiples chemins, artistes du monde, vous conduire tous à l'Océan infini de beauté où l'émerveillement devient admiration, ivresse, joie indicible ! » Les artistes dansent leur vie ? Que chacun de nous sache qu’il est appelé à faire de sa vie une œuvre d’art : autrement dit à composer sa vérité avec la grâce. Telle est notre vocation à la sainteté.

DANSER SA VIE, Art et danse de 1900 à nos jours, une exposition en trois grands volets : La danse comme expression ; l’abstraction du corps ; le corps comme événement, ou le ballet comme performance. C’est au Centre Pompidou, Galerie 1, niveau 6, jusqu’au 2 avril 2012.

                                       Bonne semaine !

 Coffret DVD « Le Livre d’Or de la Danse » de Dominique Delouche chez Doriane Films = 11 films dont les acteurs se nomment, entre autres : George Balanchine, Serge Lifar, Yvette Chauviré, Cyril Atanassof, Rudolf Noureev, Maurice Béjart, Patrick Dupond, Marie-Claude Pietragalla. Je n’en ai vu qu’un, le plus récent : Balanchine in Paris tourné à l’Opéra de Paris : une merveille d’émotion, de délicatesse, de grâce…

Image : Pina Bausch, Le sacre du Printemps, Opéra de Paris, 2010

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10 janvier 2012 2 10 /01 /janvier /2012 09:55

Je vous raconte : il y a quelques semaines, c’était l’an dernier bien-sûr, j’ai voulu voir un film qui venait de sortir quinze jours plus tôt. Un film de Bouli Lanners, le réalisateur belge d’Eldorado. Surprise : en regardant mon programme préféré je découvre que son film, « Les géants », ne se joue plus que dans une seule salle et seulement à quelques horaires précis.images--1-.jpg

C’est ainsi qu’encore une fois je me retrouve à L’Entrepôt dans le 14ème arrondissement. Et j’ai vu mon film, très bien, dans d’excellentes conditions : une petite salle rutilante avec des sièges confortables. Certes l’Entrepôt ce n’est pas qu’un cinéma, c’est aussi une salle de concerts, des salles de conférences, un bar et un restaurant ainsi qu’une galerie d’objets décoratifs et d’artisanat. Mais rien que pour le cinéma, ça vaut le déplacement. Imaginez un peu : On peut y organiser sa propre séance en choisissant son film dans un catalogue bien rempli de grands classiques et de films indépendants épatants.

Ah  Les Cinémas d'Art et d'Essai ! Heureusement qu’ils existent pour exposer des films comme des œuvres d’art. Des films dont la qualité n’est pas mesurée au box office. Les Cinémas d'Art et d'Essai  constituent un réseau de salles indépendantes au service du pluralisme et d’un cinéma libre qui relève de toutes les créations, en toute liberté. Ils entretiennent un rapport privilégié avec les auteurs, pour leur permettre l’accès à un public plus large.

Les cinémas d’art et d’essai contribuent à la diffusion des films du répertoire ; en salles. Ce sont souvent des lieux vivants, de proximité, qui favorisent l’échange, la réflexion, bref ce sont d’authentiques lieux de culture.

Donoma-affiche.jpgEn France on peut recenser environ mille cinémas d’art et d’essai, avec plus de deux milles salles, réparties sur l’ensemble du territoire français et dans toutes les zones géographiques : pas seulement au centre des grandes villes. A Paris on en compte encore vingt-six, même si beaucoup ont disparu, laminés par les multiplexes. Ils ont jalonné ma vie étudiante, comme les écrins de rencontres parfois bouleversantes. Vous connaissez le Studio Galande ? J’y ai vu deux fois de suite La Salamandre d’Alain Tanner ; le Studio des Ursulines, l’un des plus vieux cinémas de Paris ? l’Action Christine où j’ai découvert Mankiewicz ? Et les Trois Luxembourg, le Lucernaire, La Pagode où j’ai vu le Moïse et Aaron d’Arnold Schönberg filmé par Jean-Marie Straub et Danièle Huillet, Les Sept Parnassiens, le Denfert, et enfin l'Entrepôt 7 Rue Francis de Pressensé dans le 14ème. Autant de coups de foudre ou de coups de semonce inoubliables, bref toute cette histoire d’amour que d’aucuns entretiennent avec le 7ème art.

Et vous avez essayé "Le Havre" d'Aki Kaurismaki ou le film-guérilla de Djinn Carrénard : "Donoma" ? Bonne semaine !

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5 janvier 2012 4 05 /01 /janvier /2012 12:01

« Bonne année à chacun d’entre vous ! » Bonne année 2012, enrichie par la culture contemporaine. Cultivée par la relation privilégiée que les catholiques entretiennent avec l’art. Bonne année nouvelle, renouvelée sans cesse par notre foi en l’Esprit Saint qui anime la création artistique. Et je vous propose d’ouvrir l’année en poésie.

Vous vous souvenez du dernier livre de poésie que vous avez acheté ? Moi, oui, c’était dans une minuscule librairie du 14° arrondissement, l’an dernier : « La longue chaîne de l’ancre » d’Yves Bonnefoy au Mercure de France. Là, j’ai juste envie de vous lire un court poème, lentement, un poème de Gérard Macé, un poème publié en 2009. Comme toute œuvre d’art authentique il nous appelle à nous découvrir poètes nous-mêmes.

Alors, tous mes vœux pour une année nouvelle ouverte à la grâce de la poésie, pour que la poésie réveille la musique intérieure de chacun d’entre nous.

Pour écrire un seul vers

il faut se souvenir de cent ans de sommeil et des vies qui précédèrent,

  de la piqûre des roses et de l'aïeule qui voulait voir la mer,

de l'homme au large dos couvert de ventouses et

   de ses enfants effrayés par les méduses.

Des objets magiques et des formules où s'enroulent des fleurs

autour des lettres gothiques.

Puis abandonner à son sort

cet homme en nous qui se noie dans ses souvenirs,

pour renouer avec   la magie sans accessoires et la jonglerie sans rien,

mais avec des gestes suspendus en l'air et la réalité qui se retourne comme un gant.

Avec les êtres et les choses

attirant les mots     comme des aimants.

 

Gérard Macé, dans : Promesse, tour et prestige, publié en 2009 chez Gallimard.

Bonne première semaine de la nouvelle année !

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12 décembre 2011 1 12 /12 /décembre /2011 11:41

Comment vous raconter une exposition qui m’a enchanté ! Il s’agit de « Bêtes off » à la Conciergerie. Oh la la J’ai eu du mal à la quitter. Je suis encore un peu sous son charme. Il est clair que cet effet n’est pas seulement dû à la qualité artistique des œuvres. En fait, elle rejoint quelque chose de profond en moi que je ne sais pas bien formuler peut être.

56-Morgan-Claire--2011--Here-is-the-end-of-all-things--grai.JPG

Imaginez, par exemple : immense et fragile, le vol d’une chouette effraie qui a vrillé son empreinte à l’intérieur de blocs translucides de légers duvets. Ailes écartées, en majesté, la « dame blanche » se dresse face à un dernier bloc entièrement constitué de mouches. L’instant suspendu se reflète dans un immense miroir noir qui sert de tapis à cette œuvre signée Claire Morgan. Saisi par l’élégance de ce vol interrompu, j’observe plus attentivement la méticulosité apportée à sa confection. L’ensemble est composé de centaines de fils invisibles où s’attachent des graines de chardon, des mouches, ainsi que des plombs qui les maintiennent en tension. Mais l’accrochage répond à un ordonnancement très géométrique, en forme de cubes et de parallélépipèdes. Cette discrète alliance du sauvage avec l’abstraction donne à l’œuvre de dépasser le niveau de l’attraction spectaculaire.

Tout près, des enluminures des Psaumes réalisées au crayon de couleur par Agathe David rappellent la forte présence dans la Bible des animaux, parfois fabuleux. Jusqu’à la colombe qui figure Dieu l’Esprit Saint. Installations, dessins, vidéos, sculptures et photographies mettent en présence chouettes, licornes, cerfs, baleines, mouches, vautours, canards, vers, girafe et tigre. La diversité des œuvres, évidemment de qualité inégale - suggère l’utopie non d’un retour au temps paradisiaque, antérieur au péché originel, mais d’une autre relation entre animaux et humains moins cruelle, plus respectueuse, qui dégonflerait peut-être nos vanités de langage et nos illusions de puissance. Intitulée d’un médiocre jeu de mots, « Bêtes off », cette exposition interroge subtilement nos relations aux animaux et plus encore à notre propre animalité. Avec tellement d’esprit qu’on quitte l’exposition persuadés qu’il est encore temps de « ré-enchanter le monde ».

Bêtes off, commissaire : Claude d’Anthenaise, directeur du Musée de la Chasse et de la Nature, à la Conciergerie, 2, bd du Palais dans le premier arrondissement. On peut y aller en famille, tous les jours de 9 h 30 à 18 heures jusqu'au 11 mars 2012. Mais attention la force des œuvres d’art ne remplacera pas les vitrines de Noël des grands magasins !

 

* Morgan Claire, 2011, "Here is the end of all things", graines de chardon, mouches, chouette, fil de nylon,plomb.

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5 décembre 2011 1 05 /12 /décembre /2011 09:45

Alfred Manessier aurait eu cent ans aujourd’hui. Plusieurs fois ses œuvres m’ont émerveillé. Mon souvenir le plus marquant : la découverte inattendue, à l’écart du circuit touristique estival, de ses vitraux dans la chapelle Notre-Dame de la Bonne Nouvelle à Locronan.

01 EntréeQuand j’entre pour la première fois dans une église j’aime m’adosser au portail et quelques instants, embrasser la totalité de l’édifice, me laisser saisir par l’ensemble, la sensation de l’espace, sans m’arrêter au détail. Comme une respiration avant l’observation attentive.

A Locronan, ce jour-là, une douce lumière baignait toute la chapelle. Chaque grande verrière m’apparut appartenir à l’ensemble, les courbes dessinées par les plombs se poursuivant de l’une à l’autre. Pas de motif propre à chaque fenêtre. Seuls deux petits vitraux jouent en solo leurs notes plus acidulées. Mais immédiatement l’impression que l’artiste a rythmé toute l’atmosphère. C’est tellement rare qu’un peintre comprenne aussi bien la fonction du vitrail dans une église ! Avant même d’évoquer la Jérusalem céleste ou le chemin de la Passion, un vitrail vient poétiser le temps qui passe et le temps qu’il fait. Ce temps dans lequel ma propre vie se mêle à la liturgie et à la tradition de l’Eglise.10-Manessier-Locronan-copie-1.jpg

A Locronan, dans une chapelle dédiée à Notre-Dame de la Bonne Nouvelle, la pénétration même de la lumière rejoue l’Annonciation, pour donner vie au Corps du Christ que nous sommes et que nous devenons en Eglise. Cette lumière angélique, Alfred Manessier-l’artiste a su en accorder le rythme à la fragmentation que l’appareil de granit dessine au mur du bâtiment. Cette lumière angélique, Alfred Manessier- le-croyant a su lui imprimer les vibrations colorées d’une alliance entre des bleus intenses, célestes et marins, et l’éclat de flammes dorées, ocrées, roses et mauves.

Ailleurs, souvent de manière grandiose, le peintre Alfred Manessier a soumis ses intuitions à l’art exigeant des maîtres verriers. De 1950 à Saint Michel des Bréseux jusqu’à 1993 au Saint Sépulcre d’Abbeville il a travaillé en étroite collaboration avec l’atelier François Lorin, le restaurateur de la cathédrale de Chartres. Pour découvrir sa peinture on peut aller au Musée National d’Art Moderne, centre Pompidou, à Paris, qui détient plus d’une cinquantaine d’œuvres dans sa collection. Au HAVRE, jusqu’au 29 janvier, une exposition, "Dans l'intimité du peintre Alfred Manessier. Les années de reconstruction (1945-1964)" est à découvrir à la Maison du Patrimoine - Atelier Perret

Né le 5 décembre 1911 à Saint-Ouen dans la Somme, mort le 1er août 1993, Alfred Manessier aurait eu cent ans ! Et sa place demeure vide.

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27 novembre 2011 7 27 /11 /novembre /2011 18:00

Une diapositive projetée au-dessus d’une porte. Elle représente « Le pilier de l’Alpha et de l’Oméga » photographié par Julien Lousteau. Ce pilier d’une église troglodytique d’Ethiopie - contre lequel Jésus se serait appuyé- en aurait reçu, gravé, tout le passé et tout l’avenir du monde. Mais quiconque regarderait ces inscriptions les verrait s’effacer à jamais. On l’a donc entièrement couvert d’une étoffe.

Lousteau-Julien--2009--Pilier-de-l-Alpha-et-de-l-Omega--di.JPGNe cherchez pas à voir cette photographie paradoxale du tissu qui cache le pilier : elle était au Plateau, Fonds Régional d’Art Contemporain d’Ile de France, dans une expo intitulée « Nul si découvert » et terminée depuis le 7 août. Terminée, cette exposition signée Guillaume Desanges, continue dans ma mémoire. Aujourd’hui, je refuse de vous parler d’actualité. Chaque semaine il y aurait de quoi s’extasier sur un chef d’œuvre !? Allons !!

La culture contemporaine c’est souvent cette mainmise de la productivité et de la quantité qui ont vite fait de vous métamorphoser une œuvre d’art en objet de consommation. Quand l’art s’agenouille devant l’idole que deviennent les Marchés - avec une majuscule s’il vous plaît - un regard chrétien offre la liberté critique. Quand la culture veut imposer le déferlement des nouveautés dans l’avalanche des news, la foi en Jésus-Christ discerne la paix de ce qui demeure contemporain ; maintenant. Cette semaine, ne m’en veuillez pas je préfère ralentir le flux tendu des nouveautés pour savourer l’art ; indépendamment de la pression médiatique. Pour goûter cet art vraiment contemporain qui résiste à l’actualité.Fellini-Roma.JPG

Ainsi, je retrouve en mémoire cette exposition intelligente d’œuvres qui manifestaient l’invisible. Même son titre, « Nul si découvert », se révèle avec le temps riche d’une ambigüité insoupçonnée : « découvert » signifie aussi tout neuf ; « émergent » comme dit le jargon mondain. Nul, serait aussi ce qui n’a pas déjà duré au-delà d’une trop récente découverte. De fait, j’y retrouvais des œuvres d’artistes déjà appréciés et les figures tutélaires de Man Ray, Marcel Duchamp et Federico Fellini avec cette séquence emblématique de « Fellini Roma » où le percement du métro fait disparaître irrémédiablement des fresques antiques.

Pour un chrétien, Dieu révélé en Jésus-Christ, demeure un Dieu qui se cache, vous comprenez. Le Mystère de notre foi, personne ne l’explique mais l’art, lui, nous y implique en suscitant une pensée sensible. Forcément théologienne.

 
* Lousteau Julien, 2009, Pilier de l'Alpha et de l'Oméga, diapositive
** Fellini Roma, la destruction des fresques.

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