Claude Lévêque, représentait la Franceà la 53° Biennale de Venise en 2009. Il est connu pour de monumentales installations sollicitant tous les sens, parfois violemment. La dernière œuvre de Claude Lévêque, c’est un livre. Pas un livre d’art ni même un livre d’artiste à tirage limité. Non, c’est … « un-livre-de-Claude-Lévêque ». Oh, il avait déjà réalisé plusieurs livres d’images. Mais là, c’est un livre avec de l’écriture et des photographies. Quand Claude Lévêque s’empare du médium livre c’est pour le soumettre à sa sensibilité, à sa créativité. Sans rien casser. Il s’agit d’un beau petit volume relié de 260 pages aux Editions Dilecta.
De quoi est-il question au fait ? De la ville natale de l’auteur, Nevers, et d’amour. Le titre prévient : « Nevers let love in » C’est bien de savoir que « let love in » renvoie au titre d’une chanson de Nick Cave, le rocker ténébreux. Mais l’amour au centre c’est celui de la mère, récemment décédée, accompagnée jusqu’aux dernières heures. Jusqu’aux cendres. Des photos de famille évoquent l’enfance, d’autres la guest star : Catherine Deneuve qui devine en Claude Lévêque l’enfant unique.
Mais c’est dans le rapport entre écriture et images que l’art de Claude Lévêque fait merveille. Sûr, les photos n’illustrent pas le texte, elles font texte. D’ailleurs, plusieurs représentent du texte : des graffitis, des panneaux publicitaires ou routiers, une page d’écriture… mais aussi en néon comme certaines œuvres de Claude Lévêque dont celle qui clôt tout le livre : « la vie est belle » écrit par la main aveugle et tremblante de la mère de l’auteur peu de temps avant son décès.
Vous comprenez, je vous décris ça froidement mais je devrais dire d’abord que le livre-de-Claude-Lévêque ressemble à une sorte de journal intime. Aussi intime que pudique. Pudique parce que poétique. D’une poésie bien particulière, âpre et crue, mais méchamment tendre comme celle des garçons maladroits qui te cognent en t’embrassant. Peluches et béton. La poésie aussi de ces « no mans land » à la périphérie des villes, ignorés des urbanistes mais peuplés de songes de clowns mutilés, de souvenirs et de désirs tus. La poésie que l’artiste sait déceler là même où ça fait mal : médiocrité grasse, kitch standardisé. Déchets et rebuts.
« Même lorsqu'il scrute les plus obscures profondeurs de l'âme ou les plus bouleversants aspects du mal, l'artiste se fait en quelque sorte la voix de l'attente universelle d'une rédemption » affirmait Jean-Paul II. L’art de Claude Lévêque peut donner un avant goût prophétique de cette rédemption.
« Nevers let love in » - qu’on risque d’entendre « Never let love in » : ne laisse jamais entrer l’amour – vient de paraître aux éditions Dilecta, un livre de chevet d’une grâce singulière.