Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
26 mai 2013 7 26 /05 /mai /2013 17:12

Retrouvez la suite sur
http://www.lamedelart.com/


Partager cet article
Repost0
19 mai 2013 7 19 /05 /mai /2013 06:49

03-Jaume-Plensa--2008--Where-bronze--100x75x50.jpgLes bas de pantalon trempés de rosée j’ai déambulé dans les allées fraîchement tondues de l’arboretum du Breuil. Humé les parfums de terre humide et d’herbe coupée traversés de l’effluve légèrement enivrant des lilas. Puis j’ai rejoint les pavillons de bonzaïs du Parc floral où le maître des lieux m’a confié ses préoccupations d’artisan passionné. Partout des cartels accompagnent les œuvres. Soigneusement rédigés. Plutôt en latin qu’en étatsunien. J’avais besoin de m’imprégner de la réalité sensible des arbres, œuvres d’une patiente collaboration entre l’homme et le Créateur avant d’aborder deux expositions ayant l’arbre pour thème.

Dieu sait que je me méfie des expositions thématiques en arts visuels. Elles voudraient maintenir l’extra-langagier de la perception sous la domination du discours, dans les limites d’un sujet. Alors que l’épreuve de l’innommable, de cette blessure du langage, de cette mort proposées par les arts visuels ouvre le langage sur la promesse d’une résurrection. Oui, nous sommes en quête de ce qui échappe à la maîtrise du définir. En attente du génie des œuvres d’art pour infinir (Olivier Soulerin). En désir de l’insu, de l’insaisissable. De la grâce.

Les deux expositions, L’arbre de vie aux Bernardins et L’arbre qui ne meurt jamais au Théâtre des Sablons à Neuilly se différencient en partie sur cette question du discours. Selon sa vocation le collège des Bernardins donne à lire, à l’intérieur de son architecture médiévale très prégnante, une succession d’œuvres exigeantes exposées en fonction d’un discours. Pour son inauguration le nouvel espace culturel de Neuilly, vaste sous-sol aux cimaises blanches, propose un environnement composé de chefs d’œuvre de ces cinquante dernières années qu’on ne se lasse pas de revoir. Bien-sûr, évitons la caricature, le texte majeur du catalogue de L’arbre qui ne meurt jamais éclaire intelligemment le projet et il y a des œuvres remarquables aux Bernardins.

Au théâtre des Sablons, par l’expérience sensible, on pourra s’initier aux arcanes d’un art jamais rébarbatif, souvent admirable. Une atmosphère globale nous plonge dans l’universelle richesse symbolique de l’arbre. Le corps à corps avec les œuvres vient nourrir la méditation personnelle de son expérience sensorielle.

On peut alors aborder les questionnements soulevés par les œuvres plus pointues exposées aux Bernardins en parallèle avec la Bible. Elles se risquent au-delà du repère confortable de la représentation. Les commissaires se défendent d’y proposer un exposé mais bien une exposition. A vous de voir.

Pour ma part, je m’en vais de ce pas revoir l’ultime tableau de Bonnard, achevé d’un doigt fatigué à quelques jours de sa mort : L’amandier en fleurs (1947, au MNAM Centre Pompidou) éblouissant de vie nouvelle.04-Bahri-Ismail--2011--Ligne--video-HD--1mn-en-boucle.JPG

ARBORETUM du BREUIL, 50 route de la Pyramide 75012 PARIS
http://www.conservatoire-jardins-paysages.com/jardins.php?id=152
Accès : Route de la Ferme, route de la Pyramide - Bois de Vincennes
Du 01 mai au 31 août, ouvert tous les jours de 9h30 à 20h. Entrée libre.
Métro ligne 8 Maisons-Alfort-Les Juilliottes, RER A2 Joinville-le-Pont

parc floral de paris Avenue des Minimes 75012 PARIS www.parcfloraldeparis.com
Pavillons des Bonzaïs 15 et 16. Accès : Esplanade du Château de Vincennes, route de la Pyramide.
Du 01 mai 2013 au 31 août 2013 ouvert tous les jours de 9h30 à 20h.
Entrée libre sauf mardi, samedi, dimanche : 5,50 €
Métro ligne 1 Château de Vincennes,

L’ARBRE QUI NE MEURT JAMAIS, Théâtre des Sablons, jusqu’au 30 juin 2013.
62-70 avenue du Roule 92200 Neuilly-sur-Seine Tél. : 01 55 62 60 35
http://culture.theatredessablons.com/spectacles-expositions
Du mardi au dimanche de 13h à 19h. Entrée libre
Métro ligne 1 Les Sablons, Bus 73 Les Sablons

L’ARBRE DE VIE, Collège des Bernardins, jusqu’au 28 juillet 2013
20 rue de Poissy 75005 Paris. Second accrochage depuis le 19 avril
http://www.collegedesbernardins.fr/index.php/art/arts-plastiques.html
Entrée libre du lundi au samedi de 10h à 18h, dimanches et jours fériés de 14h à 18h
Metro ligne 7 Jussieu, ligne 10 Cardinal Lemoine, Bus 24, 63, 86,87 

Images : *Jaume Plensa, 2008, Where ? Bronze, 100x75x50.

**Ismaïl Bahri, 2011, Ligne, vidéo HD, 1mn en boucle.

On peut lire le commentaire de l’une de ces œuvres, « Transsubstantiation » de Henrique Oliveira, sur L’âme de l’art.

Partager cet article
Repost0
6 mai 2013 1 06 /05 /mai /2013 17:43

2002--Reaktionare-Situation--210x400.jpgIl y aurait quatre hommes curieusement accoutrés. Ils porteraient comme sur un brancard une grosse boîte drapée de rouge et de blanc, ceinte d’écriture illisible. On dirait une maison-reliquaire. Un peu l’Arche d’Alliance qui accompagnait le Peuple dans tous ses combats. Oui, mais à la place des chérubins il y a une idole portant deux objets. Sur le petit tableau que tu observes, Prozession, 2010, pas moyen de savoir ce que c’est. Mais tu reconnaîtras à gauche une balle de fusil ou un obus et à droite un cristal de roche puisque le même élément apparait sur deux grands formats de la même année, Die Kontrolle et Kalimuna. Sur ce dernier un personnage au visage rond propose aussi sur un étal obus et cristaux et tu en devines aussi sur les rayons d’un magasin.2010--Prozession--h.t--50x60.JPG

D’autres figures plus élémentaires peuvent se constituer en une sorte de catalogue. Souvent tu dois te résoudre à des éléments croqués : phylactères vides et fragments d’écriture, bâtons, baguettes et formes souples qui te font penser à du dentifrice sortant de son tube ; croix et entrecroisements, jerrycans, fenêtres horizontales, des yeux fermés ou méticuleusement représentés, des index qui indiquent… Sur diptyques « inavoués », les figures du double, de la duplicité et de la gémellité, du domptage aussi, sont récurrentes. Des mises en abymes, des scènes marginales. Et puis, çà et là, des morceaux de peinture indéfinissables.

Tu arpentes, dubitatif et fasciné, l’expo Neo Rauch, une sélection 1993-2012, du Palais des Beaux-arts de Bruxelles. Ordre chronologique inversé, petits formats et dessins au milieu des grands formats dont de nombreux diptyques. Comme dans un rêve. Au réveil, encore bouleversé, tu te souviens de détails qui te rappellent une situation. Il se passait quelque chose, des personnes vaquaient à leurs occupations. Le problème c’est que tu ne sais plus ce que ça raconte. La cohérence incohérente du récit t’échappe. Logique de l’inconscient ? Pourtant chaque scène a son unité. Mais cette unité n’est ni spatiale ni temporelle : des perspectives contradictoires s’agencent à des anachronismes, des scènes secondaires s’inscrivent en marge. Une unité dispersée, comme s’intitule un tableau de 2010, Versprengte Einheit. Unité dispersée, mais unité formelle. Ici, des couleurs pastelles, acidulées, posées sans modulation teintent toute la surface ; là, un type de dessin évoque des images scolaires, ces pauvres estampes sur lesquelles, autrefois, on apprenait le vocabulaire.

Unité dispersée d’où émane une atmosphère. Comment la caractériser ? Horriblement séduisante ? Inquiétante, mais comme l’énigme d’un sphinx dont la résolution ferait passer l’obstacle présent, qui n’est plus « le mur » entre l’Est et l’Ouest mais une impasse ; en t’affligeant. Comme pourrait t’attrister le charme équivoque d’une Loreleï : « Ich weiss nicht was soll es bedeuten dass Ich so traurig bin… » Tu n’y comprends rien, ça te rend tout chose et pourtant tu ne peux t’enfuir, séduit par les sortilèges de ces images invraisemblables. Sortilèges des fantasmes, de songes prophétiques, d’intuitions fugitives ou de rêves prémonitoires. Neo Rauch te répond « Il n'y a pas besoin de les comprendre, il faut seulement sentir que cette création est, au plus haut degré possible, en paix avec elle-même. »2011--Zahmung---Apprivoisement--h.t--300x500.JPG

Neo Rauch vit et travaille à Leipzig où il est né en 1960.

Neo Rauch. L’obsession du démiurge, un choix d’œuvres 1993-2012, jusqu’au 19 mai 2013. Palais des Beaux-arts, 23 rue Ravenstein 1000 Bruxelles.  www.bozar.be

Images : * 2002, Reaktionäre Situation, huile sur toile, 210x400.

** 2010, Prozession, huile sur toile, 50x60

*** 2011, Zähmung, (Apprivoisement) huile sur toile, 300x500

« Je ne comprends pas pourquoi je suis si triste… » Die Lorelei (1823) poème de Heinrich Heine (1797-1856).

Partager cet article
Repost0
4 mai 2013 6 04 /05 /mai /2013 22:40

2013-Surfaceaction.JPGNeal Beggs a 54 ans. Né en Irlande du Nord, il vit et travaille en France depuis 2001. Son exposition intitulée "Frontiers and other songs of freedom" occupe le Centre International d'Art Contemporain du château de Carros, une petite ville perchée au-dessus de Nice.

Alpiniste, randonneur, Neal Beggs pense avec son corps. Avec ses mains et ses pieds. C’est son emblème plusieurs fois dessiné au mur, ou peint, cerclé de lignes colorées. Une vidéo le montre dès l’entrée en train de se déplacer sur les parois d'une galerie, chaussé de crampons pour l'escalade sur glace et armé de pics. Sauf que là, il se déplace latéralement. Forcément.

Plus loin, un mur couvert de courbes colorées s'avère dessiné à partir des impacts dus à ce genre de déplacement. Les lignes rouges entourent chaque impact comme les ondulations de l'eau autour de la chute d'un caillou (2013 Surfaceaction). Ce type de wall drawwing représente ailleurs, au scotch de couleur et à la peinture jaune, la frontière entre la France et l'Italie. Vue d'avion, comme sur une carte. On la voit aussi autrement colorée, à la peinture, de profil comme un diagramme. Ou retranscrit sur une portée pour en faire une partition : "The Italian French frontier, from summit of Mont Blanc to the sea". Une frontière toute proche, qu'il a réellement parcourue à pieds. Avec un copain et en plusieurs jours. Forcément.

Dans une autre salle au mur, deux cartes du ciel, un beau ciel nocturne avec ses étoiles. L’œuvre s’intitule "Starmaps". Mais à côté, fixées repliées au mur, ces cartes montrent leur identité : de banales cartes IGN des environs de Carros. Terrestres. Eh oui ! Neal Beggs les a entièrement recouvertes d'encre noire en entourant les points blancs : les sommets des montagnes. L'impact de la terre avec le ciel ? On comprend que Neal Beggs l’alpiniste-artiste cherche le ciel ; au corps-à-corps.

Et puis apparaît sur un mur du parcours, scotch rouge et peinture jaune, le contour d'un Christ en croix, la frontière de son corps (2013 Like this JC). Un territoire où le règne de Dieu s’est approché ? Comme un impact du ciel avec la terre. Nécessaire.

2013-This-Land.JPGNeal Beggs imprégné de la culture pop des années 70 et des protest songs, vit la musique comme une arme. De nos limites et de nos frontières, qui nous contraignent forcément, il nous invite à jouer, comme d’une guitare à trois cordes (This  Land 2013). Plus loin, des bombes en bois sous trois pancartes gravées de "Eye for eye", "Tooth for tooth" et… "Wood for wood". On apprend que des bombes ont été larguées en 1944 sur un leurre d'aéroport allemand en bois par l'armée française. Des bombes en bois pour manifester qu'on n'était pas dupes !

Une page de ses carnets exposés au rez-de-chaussée prévenait : Well I came across a child of God (Crosby, Stills, Nash & Young – Woodstock) Moi aussi, il me semble avoir croisé un enfant de Dieu. Je trouve quelque chose de profondément chrétien dans la poésie de cet humble corps à corps, pieds et mains, avec la création. L’art en amplifie les modestes impacts sur nos sensibilités, les ouvre gracieusement au combat et à l’espérance. Merci.2013-Like-this-JC.JPG

Neal Beggs, FRONTIERS AND OTHER SONGS OF FREEDOM, jusqu’au 9 juin 2013.
Centre international d'art contemporain- Place du château – 06510 Carros.
Le château de Carros est ouvert du mardi au dimanche de 10h à 12h30 et de 14h à 17h30.
Entrée libre. Tél. 04 93 29 37 97 
http://ciac-carros.fr

Images : * 2013 Surfaceaction, peinture murale.

** 2013 This Land, installation sonore interactive, bois, métal, amplificateurs.

*** 2013 Like this JC, peinture murale et ruban adhésif

Partager cet article
Repost0
23 avril 2013 2 23 /04 /avril /2013 10:41

P1110397Pas trop d’emphase, Michel, mais tu viens de vivre un moment d’art comme tu les aimes. « Un instant de rêve » ? Non. De connivence et de méditation.

Des boucles de photos, projetées presque aussi rapidement qu’elles ont été prises, accompagnées d’une boucle de musique sucrée, écœurante. Deux écritures en néon. Et un tas de catalogues offerts. Le tout signé Claude Lévêque. Après un livre magnifique fait de photos et de textes, Nevers let love in, et quelques interventions entre l’école Pierre Budin de La Goutte d’Or (Seasons in the abyss, 2012) et Le jardin des sémaphores, à la Kiriyama house, au Japon, Claude Lévêque revient au dernier étage de la Maison Européenne de la Photographie avec des photos sans textes. No comment. Normal, c’est visuel. Pour approcher de l’indicible ou tout simplement partager de l’innommable. Il y a des clins d’œil et des regards, pas « une vision », de l’humour, du cynisme, de la tendresse et même de la contemplation. De l’amertume aussi, un chouïa d’écœurement et de la mélancolie, un peu. Une immense générosité. Sans jamais s’appesantir. Désespéré ? Non, au contraire : « l’art est tout simplement aujourd’hui ce qu’il y a de plus prometteur. » (Interview réalisée le 15 juin 2011 par Guillaume Benoit pour http://www.slash.fr)

Claude Lévêque n’est pas artiste photographe mais artiste. Qu’il touche un médium – la photo en l’occurrence – il se l’approprie pour y insuffler sa poésie singulière. Nous sommes nombreux à multiplier des clichés rapides qui s’arrêtent quelques heures sur les réseaux sociaux ou quelques jours en fond d’écran. Michel Nuridsany a senti que ceux de Claude Lévêque méritaient une meilleure exposition. Qu’il en soit remercié. Qu’il soit aussi remercié pour le poème litanique qu’il nous donne en préface du catalogue : un hymne à plus de trente années d’amitié.

 

CLAUDE LÉVÊQUE, UN INSTANT DE RÊVE, jusqu’au 16.06.2013 à la Maison Européenne de la Photographie 5/7 Rue de Fourcy - 75004 Paris, du mercredi au dimanche, de 11h à 20h. http://www.mep-fr.org/   http://claudeleveque.com/fr

Partager cet article
Repost0
10 avril 2013 3 10 /04 /avril /2013 10:14

Los-salvajes.jpgQuatre garçons dont deux frères, et une fille s’évadent de leur prison. Ils plongent dans une campagne sauvage. Trois maisons isolées et de rares rencontres rythment leur marche. Leur errance.

Le film suit cette errance mais construit par des chapitres sous-jacents liés aux personnages, chacun plus important à son tour, au fur et à mesure de leurs meurtres et de leur mort. Les éléments lestent leur avancée ; le feu, mais aussi la forêt, la terre et l’eau. Evadés, hors la loi, l’exode de ces jeunes sans terre promise les inscrits dans le désert de leur pampa. La civilisation n’en a pas voulu, ils seront sauvages, là où chiens et sangliers se déchirent. Los salvajes d’Alejandro Fadel offre d’approcher la réalité d’adolescents exclus que la société emprisonne. Encore une fois. Mais Los salvajes est un premier film à la poésie crue qui exerce une sorte de fascination. Argentin, sa cruauté prend sous une présence religieuse catholique une vraie dimension mystique.

Est-ce le prénom, mais le Simon du film me fait penser au Simon de Lord of the flies ? Sans faire figure d’ange pur - lui, aussi a tué et se drogue - son silence l’extrait des bavardages et suscite la sincérité de vraies paroles dont un superbe dialogue sur le mal qui agit en soi. Le film avait commencé sur son visage baissé, en prière, et s’achève – semble-t-il – sur sa perception d’une réalité tout imprégnée de communion avec la nature, ses animaux et ses esprits. La prière de Simon guérit enfin son dernier compagnon d’une épouvantable blessure au cours d’une scène extrême et contemplative. Un lent, très lent, interminable fondu au noir révèle à peine l’éclat étoilé de quelques pierres et suscite un trouble de la perception. Simon en méditation – proche de son frère revenu ou revenant - se dissoudra dans le feu peu avant qu’un déluge s’abatte sur la forêt.

Los salvajes 2J’ai vu ce film avec en mémoire toute une nébuleuse de révoltes marginales d’adolescents blessés : Lord of the flies de Peter Brook et Gerry de Gus van Sant, Les diables de Christophe Ruggia et If… de Lindsay Anderson, Le mur de Ylmaz Guney et Pixotte d’Hector Babenco, Le fils du requin d’Agnès Merlet et Les Géants de Bouli Lanners, autant de films singuliers qui ont leurs intuitions et leurs qualités propres. Et aussi un cinéma argentin, qu’on commence à voir en France : celui de Lucrecia Martel avec La cienaga et La Niña Santa, de Carlos Sorin avec Historias Minimas et Bonbon el perro, après Les neuf reines de Fabián Bielinsky. Et tant d’autres… Mais aucun de ces films ne m’a rendu aussi sensible une expérience sensorielle de l’Ailleurs et du Mystère à la racine primitive du vivant. En agençant une société qui muselle cette vitalité on se prive probablement d’une ouverture – certes, dangereuse, risquée, étroite – au Mystère.

Partager cet article
Repost0
2 avril 2013 2 02 /04 /avril /2013 21:47


" L’art est par nature une sorte d’appel au Mystère. " Bx Jean-Paul II

« On ne devrait s’occuper que de la forme » nous dit le peintre Jean-Jacques Henner au centre de l’exposition qui lui est consacrée : « Sensualité et spiritualité. A la recherche de l’absolu. » Une citation de l’artiste intitule ainsi chacune des sept pièces du Musée Henner. De « J’étais tout à fait au début de ma route » à « C’est la chose la plus difficile en peinture de faire un Christ », le choix des citations éclaire discrètement cette intéressante exposition chronologique qui montre avec précision la quête d’un artiste exigeant et radical.

1850-1858--Academie-crucifixion--h.t-MJJH.jpgDe la représentation consciencieuse à l’expérience paradoxale. Mais revenons à cette quatrième salle où s’opère sous nos yeux le basculement de la sensualité du sujet à celle de la Peinture. A partir d’une représentation d’académies1 comme on nommait les nus d’atelier au XIX° siècle, on voit cette « peinture consciencieuse » - comme il la nommera plus tard, précision conservée pour des portraits très « alimentaires » - accéder peu à peu à la prise en compte du regard destinataire. Le peintre crée enfin une image troublante, délicatement inquiétante pour la perception. De la soi-disant sensualité attribuée au corps humain dénudé, l’œuvre nous entraîne désormais dans les sortilèges d’une contemplation ambiguë. Non pas au regard de la morale, mais pour la perception qui voit ses repères menacés. La Madeleine au désert 2 de 1878 ne se contente plus de juxtaposer seins, chevelure et vase comme celle de 1874, mais fait apparaître dans l’épaisseur d’une peinture ténébreuse la peau diaphane d’une femme librement abandonnée. Comme abîmée, regard détourné vers l’intérieur obscur qui peut l’absorber. Apparaître et disparaître, simultanément.1878--Madeleine-au-desert--h.t--Mulhouse.jpg

Dépouiller, simplifier. Le modelé du corps extrait subtilement la clarté des ténèbres, rendant tout nimbe inutile, et trouble le regard qui cherchera en vain quelque détail anecdotique. Dépouillé de récit, simplifié à l’extrême, le tableau propose d’approcher le mystère. On est passé de l’illustration de la lettre à l’épreuve de l’esprit. « Que m’importe le sujet dans le tableau ! » s’écriera-t-il en 1881. Le peintre poussera plus loin encore cette apparition-disparition dépouillée de toute affèterie dans son Saint Sébastien de 1888. L’œuvre suscite une expérience paradoxale ; sans excès. Il s’agit bien d’une « recherche de l’absolu » au sein même de la pratique artistique.

Peindre comme oindre. Alors s’impose la figure du Christ, Dieu incarné, Image du Dieu invisible. Non plus comme un sujet mais comme une mise en abyme de l’image peinte. Peindre la peau peut indiquer l’âme. Comme l’oindre, à l’instar de Madeleine, dont « la belle œuvre » reçoit signification de Jésus lui-même (Mt.26,12 ; Mc.14,8).
1888c--Torse--fusain-et-rehauts-de-craie-blanche-sur-Velin-.jpgInondée de lumière par une grande baie vitrée, la dernière salle apparaît dominée par deux fortes représentations du Christ, l’une en Croix, l’autre au tombeau. Huile sur papier marouflé sur toile, l’étude de Christ en Croix pour la Grand’Chambre de la cour de cassation du Palais de Justice, 1,95 sur 1,02 m. impressionne par son modelé centré sur le torse et la tête. Les dessins préparatoires3 attestent de recherches laborieuses. L’inachèvement modère l’effet de présence dû à l’échelle 1, tout en s’y conjuguant pour offrir une œuvre dont la sensualité peut animer la contemplation d’un croyant qui s’efforce de « garder les yeux fixés sur le Christ ». Dans la joie de Pâques !

« Sensualité et spiritualité. À la recherche de l'absolu » Musée Jean-Jacques Henner, 43, avenue de Villiers 75017 Paris, jusqu’au 17 juin 2013, Une centaine d’œuvres de Jean-Jacques Henner, accompagnées de quelques tableaux de Léon Bonnat, Eugène Carrière, Gustave Moreau, Pierre Puvis de Chavannes... Commissariat : Marie-Hélène Lavallée, conservatrice générale du patrimoine, directrice du musée. http://www.musee-henner.fr

Images :
1. Jean-Jacques Henner (1829-1905), Académie : crucifixion, entre 1850 et 1858. Huile sur toile, © RMN-GP / Thierry Ollivier, JJHP 84
2. Jean-Jacques Henner (1829-1905), Madeleine au désert, 1878, Huile sur toile, Mulhouse, Musée des Beaux-Arts © Musée des Beaux-Arts de Mulhouse / Christian Kempf, INV 62.1.116
3. Jean-Jacques Henner (1829-1905), Torse, vers 1888, Fusain, rehauts de craie blanche sur papier vélin crème © RMN-GP / Thierry Ollivier, JJHD 532 A

Partager cet article
Repost0
25 mars 2013 1 25 /03 /mars /2013 16:03

Clark-Kate--2011-12--st.JPGPourquoi le taire, la seconde édition de « Hey ! Modern art & Pop culture » déçoit. La première nous avait à la fois séduits, provoqués et fait réfléchir (http://0z.fr/fWk1D et http://0z.fr/eR2lN ) Celle-ci montre quelques belles pièces mais baignées dans un environnement et un discours fallacieux. On nous refait le coup de l’art marginal, contestataire de « l’uniformisation des formes et des sens. » Tout à fait dans le courant de la culture dominante, l’exposition présente en réalité une petite moitié d’artistes États-Uniens, dont certains bénéficient déjà d’expositions notables dans le circuit parisien comme Taylor McKimens à la galerie Zürcher et Joe Coleman qui a eu les honneurs du Palais de Tokyo en 2007. L’américanisme Pop Culture annonce la couleur en se calquant sur la notion bien floue de musique Pop issue de la contre culture américaine des années 60.

La figuration omniprésente joue ici avec la mort, le sexe et les terreurs enfouies mais dans des formes bien académiques de tableaux, statues et dessins. Une fois dépassées ces déceptions on peut rester méditatif auprès de quelques œuvres authentiques, puissamment ancrées dans les profondeurs de la personnalité de leurs créateurs.

MR-Djub--1.JPGLes fascinantes hybridations de Kate Clark réinterprètent ces figures apparues dès la Préhistoire, présentes dans les mythes du Centaure, du Sphinx et des satyres, des divinités hindoues et dans l’art des grotesques, de Jérôme Bosch et de la création contemporaine. La désespérance faces aux ratés, scandales et autres catastrophes qui agitent nos sociétés, peut entretenir le leurre de l’animalité comme retour aux origines « naturelles ». Jusqu’à l’empathie. Mais le spectacle du monstre, la figure équivoque de l’hybride, si elle résiste aux normes peut aussi occulter l’usure et la complaisance en panne de créativité.

Autre hybridation, formelle, remise en valeur par le XX° s. les collages. Ils s’inscrivent dans la grande tradition des arts : feuille d’or, stuc, éléments naturels et organiques… autant de collages qui n’en portaient pas le nom. Ceux de Mr Djub ne manquent ni de poésie ni de subtilité. Leur esthétique rétro fait jaillir de l’intemporel. Avec un rien d’humour.Pons-Louis--sd--La-momie--tk-mixte.bois--Fonds-de-l-abbaye-.JPG

Inventeur de mondes fantastiques, Louis Pons assemble des objets récupérés. Il les constitue en trophées, sortes de boîtes formellement proches des reliquaires et de l’art brut. Leur apparence anthropomorphe évoque parfois des momies, séquelles d’un autre temps et d’un autre monde, indéfinissables.

L’allure donnée à l’exposition voudrait créer une sorte de cabinet de curiosités du XXIe siècle. Une telle connotation noie la force artistique en ne retenant que des bizarreries. En revanche, « l’art, tendance populaire, fait simple. Efficace, il séduit et conteste, il émeut. Effronté, il se joue de la bienséance. Artisanal, il peut garder un aspect bricolage ludique. » Mais teinté, dans nos régions latines, d’une poésie chaleureuse, rarement déconnectée de confiance en l’humanité. On en est loin !

HEY! modern art & pop culture / Part II, Exposition à la Halle Saint-Pierre, 2 rue Ronsard 75018 Paris, jusqu’au 23/08/2013. (Mr Djub jusqu’au 06/04/2013.)

Images : * Clark Kate, 2011-12, st, peau d'antilope, bois, mousse, argile, yeux de verre.

** Mr Djub, collage

*** Pons Louis, sd, La momie, technique mixte/bois (Fonds de l'abbaye d'Auberive)

 

Partager cet article
Repost0
15 mars 2013 5 15 /03 /mars /2013 09:15

L-artiste-et-son-modele.jpgRegardez. Conception de l’image, de la forme. Là se fécondent deux mondes hétérogènes, la réalité charnelle du vivant et le geste créatif, par la grâce de l’esprit, intelligence et lumière pénétrante. A la distance d’un regard, analogue au nôtre devant l’écran.

Deux films sortis cette semaine, Camille Claudel 1915 de Bruno Dumont, et L’artiste et son modèle de Fernando Trueba ont pour personnage principal un sculpteur. Deux films d’auteurs où les acteurs éblouissent : Juliette Binoche, Jean Rochefort et Aïda Folch avec la joie de revoir Claudia Cardinale. Deux films quasiment sans rebondissements, sans musique ; deux films contemplatifs ne durant qu’une centaine de minutes. Loin des produits de consommation courante, ils indiquent l’essentiel au sein même de leur narration circonstanciée. Là s’arrêtent les ressemblances.

Dans Camille Claudel 1915 Dumont - toujours austère - approche Juliette Binoche comme Bresson ses modèles ; sans fards. Dépouillée, mêlée à la réalité des malades mentaux, l’actrice irradie comme on aime à imaginer la sculptrice. Dans un terrible plan séquence braqué sur son visage, lors de sa visite hebdomadaire au vieux médecin, elle parle tour à tour lucide, sincère et débordée par son chagrin. Les sommets de l’art confinent nécessairement au sacrifice. Anormal comme l’écrit crument Claude Lévêque, l’art authentique déconcerte, inquiète, forcément. Jusqu’à faire souffrir, l’artiste bien sûr mais aussi l’amateur disponible. Paul, le grand frère que le réalisateur suit dans la dernière partie du film, jeune consul bardé de certitudes catholiques apparaît bien dénué de vertus évangéliques. Et la quête mystique, constante interrogation du réalisateur, transparaît davantage dans les tourments de l’artiste recluse. Le plan final plein de délicatesse capte son visage dans un soleil matinal et printanier, ébauchant un sourire. Le film approche non sans audace mais modestement le mystère du génie créatif dans la fragilité de la chair.

Dans L’artiste et son modèle, de facture plus classique, Trueba épaulé d’un magistral chef opérateur, a modelé le noir et blanc par les caresses et les éclats d’une lumière méridionale. Toute la gamme de ce camaïeu de gris illumine des images construites au cordeau. Le film ne traite pas de l’art comme d’un sujet. Il en fait éprouver avec beaucoup de sensibilité des composantes essentielles : le regard visionnaire opposé au regard voyeur des curieux, l’idée qui naît lentement de la perception sensible et de l’émotion, les péripéties de l’Histoire contre la concentration du créateur solitaire… l’esthétique et l’éthique de ces derniers jours d’un sculpteur octogénaire qu’un gradé allemand esthète admire s’imprègnent par moments d’amour fidèle et de troubles du désir. Hymne au corps de la femme, la beauté vitale et vivifiante y côtoie la mort choisie. Au cours d’une séquence délicieuse l’artiste raconte la Genèse à sa manière et montre à sa jeune modèle qu’évidemment Dieu a d’abord créé la femme.

Encore sous le charme de ces deux films, je les signale en craignant que la critique dédaigne ces deux œuvres trop sobres pour alimenter le tintamarre médiatique. Certes, ces deux films n’ébranlent pas les bases du Septième art mais ils osent mettre leurs images en résonnance avec une grâce nécessaire, celle que l’art transmet singulièrement.

Camille Claudel 1915, Bruno Dumont, avec Juliette Binoche, J-Luc Vincent, et personnes handicapées mentales. 95’.
L’artiste et son modèle, Fernando Trueba, avec Jean Rochefort, Aïda Folch, Claudia Cardinale, noir et blanc, 105’.

Image : * Capture d’écran extraite de L’artiste et son modèle.

Partager cet article
Repost0
9 mars 2013 6 09 /03 /mars /2013 11:15

C215--Nostos--pochoir.boite-aux-lettres--2012.JPGVous connaissez très bien leurs œuvres. Inévitables. C’est de la peinture. Ils les signent avec arrogance ou discrétion : Miss Tic, Obey, C215… Un art urbain, genre peinture à la bombe sur les murs de la ville. Vous voyez ? Une forme de rébellion allant du graffiti vandale à la fresque monumentale. Désormais apprivoisée par le marché de l’art, des galeries aux musées en passant par les collectionneurs. « Au-delà du Street art » à L’Adresse musée de la Poste expose quelques œuvres de onze artistes emblématiques. Chacun son style, immédiatement reconnaissable. Les mosaïques d’Invader côtoient l’esthétique soviétique d’Obey, les pochoirs sophistiqués de Jef Aerosol ceux de Miss Tic plus tranchants et bavards. Un seul de Blek le rat, superbe ; bien que sur toile. Manque mon préféré : Nemo. Rien n’est parfait ! En tout cas, depuis le 28 novembre dernier cette petite expo grouille de jeunes connaisseurs et de scolaires éberlués.

Mais c’est depuis les années 60 que les murs des villes subissent les interventions des pionniers, Ernest Pignon-Ernest et Gérard Zlotykamien, obsédés par une image originelle et fondatrice : les silhouettes projetées sur des ruines à Hiroshima. Au même moment, des jeunes de banlieues taggaient les trains new-yorkais. Tous s’imprègnent alors des révoltes et des espoirs d’une jeunesse étranglée de contraintes obsolètes et des exclus entassés en périphérie.

Nemo--2007--sur-les-quais.JPGCette énergie, la culture dominante se la récupère à son profit. En l’émoussant nécessairement. Comme toujours pas question de se laisser prendre au piège de l’alternative radicale. Verre à moitié plein : le marché de l’art en diffusant une créativité née de l’urgence, chargée de poésie contestataire et vivifiante, permet à ces artistes de se consacrer davantage à leur travail. Cet art amène un public jeune et large au musée… et quelques nouveaux clients dans des galeries. Quant aux artistes, beaucoup ne renoncent pas à la rue et aux interventions clandestines. Miss Tic fait de la pub pour une marque de location de voitures mais continue d’intervenir sur les vitrines et les murs parisiens. 0bey-002.JPGVerre à moitié vide : alors que la répétition de poncifs (littéralement, dessins recopiés par un carton piqué de trous et saupoudré ; sorte de pochoir) leur servait de signature, affirmative et variée à l’infini dans la multitude des rues, sur le marché, dans le faisceau des projecteurs, elle se sclérosera, rentable. Sans les murs et la rue avec lesquels elles composent en tension, rapides, éphémères, leurs images virent au graphisme et à l’illustration. Déjà, la mondialisation de l’art contemporain enlise leur singularité sous une étiquette rassurante : street art. On voit quelques artistes issus des grandes écoles d’art descendre s’encanailler dans la rue pour revigorer leurs abstractions, tableaux formatés ou discours alambiqués. L’art, tendance populaire, fait simple. Efficace, il séduit et conteste, il émeut. Effronté, il se joue de la bienséance. Artisanal, il peut garder un aspect bricolage ludique.

« Contemporain populaire », un oxymore ? (à suivre)

Au-delà du Street art à L’Adresse Musée de la Poste, galerie du messager, exposition jusqu’au 30 mars  2013.
34 Boulevard de Vaugirard 75015 Paris 01 42 79 24 24 www.laposte.fr/adressemusee

Images : * C215, Nostos, pochoir sur boîte aux lettres, 2012, exposition.

** Nemo, 2007, sur les quais, Paris.

*** Obey, Peace, 2006, impasse des Abbesses, Paris.

 

Partager cet article
Repost0