Après le Forum d'Avignon, où 43 nationalités du monde de la culture ont échangé sur «Culture, les raisons d'espérer», il est bon de redire le rôle de l’art, central et critique à la fois.
L’art, on peut en parler indéfiniment puisqu’on ne se risque pas à en donner une définition univoque. Ce qui serait propice à l’exactitude d’une science mais ignorerait une manifestation essentielle de la liberté : celle, insaisissable, de créer. Pour les chrétiens, l’art attise l’espérance. « Que ton règne vienne » adressons-nous à Dieu Notre Père : Adveniat Regnum Tuum. Art en est l’acronyme. L’art est une expérience sensible qui permet d’unifier la personne : sensations, émotions et pensées avec l’âme. Contempler une œuvre -on dit aussi l’observer ou en être le spectateur-, c’est intégrer l’intériorité à notre réflexion, pour une véritable pensée. Certaines œuvres – les chefs d’œuvre - donnent un avant-goût fugitif de cette espérance chrétienne, promesse de voir Dieu tel qu’il est.
L’art authentique – expérience quasi mystique – blesse, éprouve, fait souffrir et en cela peut initier, petitement, à l’expérience ultime de Jésus sur la croix qui ouvre à la Résurrection. Benoît XVI le rappelle : « Si nous acceptons que la beauté nous touche intimement, nous blesse, nous ouvre les yeux, alors nous redécouvrons la joie de la vision, de l’aptitude à percevoir le sens profond de notre existence, le Mystère dont nous faisons partie… ».
Un exemple ? En 2000 j’ai été bouleversé par une œuvre de Claude Lévêque, intitulée Ende. Dans la galerie Yvon Lambert où elle était présentée à Paris, il fallait entrer dans un espace totalement plongé dans l’obscurité, où l’on marchait sur ce que l’on devinait être un matelas. Sans repères, vaguement inquiet, l’on entendait alors la voix d’une vieille femme fredonner un air populaire de Joe Dassin : « Et si tu n’existais pas… » S’adressait-elle à son fils, à un amant, à Dieu ? Une chanson, peu estimée de la culture des élites, ramenée à sa qualité émotionnelle se chargeait de vérité humaine. L’espace d’un instant, cette expérience formellement déstabilisante, un peu angoissante, s’avérait euphorique me rejoignant dans la totalité de mon être. Analogue formel d’une rencontre avec le plus intime de moi-même, avec Dieu ?
Puissions-nous vivre l’expérience esthétique avec intensité, chacun selon notre sensibilité, notre culture et notre foi. L’art exalte alors de meilleur de l’homme où « amour et vérité s’embrassent », où « la nuit à la nuit donne connaissance »
Image : Une oeuvre plus récente de Claude Lévêque : 2012, Mort en été, abbaye de Fontevraud.
On trouvera un condensé de cette chronique dans le n° de La Croix daté du 15 novembre : http://www.la-croix.com/Archives/2012-11-15/La-culture-source-d-espoir-pour-les-plus-demunis.-P.-Michel-Briere-aumonier-des-Beaux-Arts-et-de-l-Ecole-du-Louvre-a-Paris-L-art-experience-de-l-esperance-chretienne-_NP_-2012-11-15-876613