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27 février 2013 3 27 /02 /février /2013 12:29

Oliveira-Henrique-st--de-la-serie-Tapumes--2008--bois--PVC.JPGUne sculpture monumentale posée au sol, sans socle, s’appuie contre un mur de pierre, à l’aplomb d’un oculus et sur le rebord d’une fenêtre. Je vois quatre volumes de base carrée, en bois de récupération, plaqué, agrafé et par endroit teinté de rouge-rosé. Ils se croisent dans un maelstrom central de volutes organiques.

L’impact sensoriel de l’œuvre inquiète le cours de l’observation. J’en éprouve comme une puissance tellurique, due à l’impression de choc des quatre volumes, mais assagie par une certaine douceur du matériau. Je remarque les modifications formelles qui font passer un aspect de caisses triviales aux circonvolutions de leur éventuelle fusion. Force centripète d’une implosion ?

Nous sommes au fin fond des Bernardins. Dans un coin. L’œuvre que j’observe déploie sa force avec discrétion centrée dans la travée extrême de la nef. Aucun cartel ne vient troubler la perception. Cette heureuse frustration recentre l’attention sur l’œuvre elle-même et l’expérience sensible, seul fondement d’une authentique connaissance. Un tel choix de scénographie contraste avec le haut lieu de discours et de doctrine catholique qui abrite la faculté Notre-Dame et l’Ecole cathédrale.

Oliveira-Henrique--2013--Transsubstantiation.JPGAu mur, un chiffre renvoie à quelques renseignements sur des feuilles agrafées, gratuitement disponibles. Et curieusement titrées : « Les artistes présentés (15 février – 18 avril 2013) ». Je n’ai pas vu d’artistes ; que des œuvres juxtaposées sous un titre qui voudrait les unifier : «  L’arbre de vie ». J’y trouve le nom de notre sculpture, Transsubstantiation. Sa date de création, 2013, me révèle une des cinq œuvres réalisées pour l’occasion. Et le nom de son auteur, Henrique Oliveira dont le travail avait parasité la galerie G-Philippe et Nathalie Vallois, par de monumentales protubérances ligneuses en octobre 2008. En 2011, Henrique Oliveira transpercera la project room du sol au plafond par une colonne torse. Toujours cette puissance de l’organique figurée par le patient travail d’une sorte de contreplaqué usé par les intempéries et récupéré des palissades (Tapumes) de favelas… Transsubstantiation rapproche le changement eucharistique du pain et du vin en Corps et Sang du Christ de la métamorphose poétique de cette forme croisée faite du pauvre bois des pauvres en une riche œuvre d’art gorgée de sens. Et ce grâce aux métamorphoses du géométrique en l’implosion d’un bouillonnement chaotique, ou inversement dans la croissance de l’obscur organique vers la lumière du jour et de l’Esprit.

Un peu méfiant à l’égard des expositions thématiques, de bric et de broc ou démonstratives, et des illustrations d’idées – quelles qu’elles soient – j’ai rencontré aux Bernardins deux ou trois autres œuvres qui émeuvent la pensée, à l’instar de la Transsubstantiation, en particulier dans l’ex-sacristie. En-deçà de nombreuses brillantes explications, par la grâce d’une hospitalité réciproque, la force d’une seule œuvre authentiquement inspirée peut rejoindre ma foi et me nourrir du Mystère qui l’anime. Et vous ?

L’Arbre de Vie, du 15 février au 28 juillet 2013, Une exposition collective en deux temps (renouvellement d’une partie des œuvres le 18 avril) : Collège des Bernardins, 20 rue de Poissy 75005. http://www.collegedesbernardins.fr/index.php/art/arts-plastiques.html

Le travail de Henrique Oliveira http://www.henriqueoliveira.com 

Images : s.t (de la série Tapumes), 2008, contreplaqué et PVC, 3,2 x 6,2 x 0,9 m, Galerie Vallois,

** Transsubstantiation, 2013, contreplaqué (dimensions non communiquées).

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19 février 2013 2 19 /02 /février /2013 18:40

Milovanoff-44.jpgJ’observe une carte en couleurs pastelles qui va du nord de la Norvège au nord de l’Afrique, couverte de lignes, ponctuée de lettres : fronts chauds et occlusions,  anticyclones et dépressions. Découpée dans une page de journal, la lecture m’informe qu’il s’agit du Monde daté du 11 septembre 2008 et la carte météo de 12h, temps universel. La page semble titrée « &vous ». En filigrane apparaît une main gauche tenant un stylo à bille dont la pointe tout en bas à droite coïncide avec la ville de Jérusalem. L’image s’intitule : « La main et vous », unissant deux éléments empruntés à chacune des images.

Mais, qu’est-ce qu’une image ? Un objet de papier, qui fut la récompense scolaire de générations de grands parents ? Un élément insaisissable d’une myriade de myriades défilant sur les écrans de leurs petits-enfants ? Et nos rêves, et nos souvenirs, ne sont-ils pas images mentales ? De quelle image parlons-nous : de reproduction, de création ? Des intellectuels de tout poil se penchent sur ces questions et multiplient les réponses. Beaucoup avec sérieux. Des artistes produisent, eux, des images.

Christian Milovanoff tisse, juxtapose, greffe et superpose des images d’origines diverses tirées de sa collection. Il en crée ainsi de nouvelles. Nées de la fécondité d’une alliance. Nées aussi, semble-t-il  de la gratuité – peut-être de la grâce - de rencontres.

Qu’est-ce qu’une image ? Christian Milovanoff à la galerie Françoise Paviot répond : Attraction. Cela tient de la fête foraine, dite distraction, de l’attirance amoureuse dite séduction et de la force qui gouverne les planètes, dite gravitation. Christian Milovanoff compose, à l’instar d’un musicien, des sonates qui permettent aux deux sonorités que sont deux images, de se révéler l’une l’autre. Elles résonnent de leurs accords et de leurs discordances. Car regarder de l’écriture n’active pas les mêmes secteurs de la perception que l’évocation du visage de mon père. Lire ne tient aucun compte d’une représentation de main. Quant aux signes de la carte ils se tiennent à mi-chemin entre texte et figure. Ainsi sollicités les deux hémisphères du cerveau réjouissent intelligence et sensibilité. A la fête !Milovanoff-45.jpg

Ces compositions d’images ouvrent un univers démultiplié au plus près d’émotions communes : émerveillement devant l’immense, brutalités insoutenables, admiration gorgée de tendresse. Nous sommes à l’origine, au fondement élémentaire du montage, l’un des piliers du Septième art. Une autre image célèbre la juxtaposition de deux événements formellement proches mais sans aucun rapport historique : la persécution d’une femme Palestinienne par deux jeunes Israëliens et la connivence de deux jeunes femmes avec des soldats marchant au pas. Deux font un par attraction, l’Esprit. J’ai failli écrire, par amour ? Une telle manifestation de sens vient nous rappeler par analogie notre approche de la Trinité. Et combien « l'art est, par nature, une sorte d'appel au Mystère.» (Jean-Paul II, Lettre aux artistes, n°10)

 

Christian Milovanoff, Attraction II jusqu’au 6 Avril 2013,

18 tirages 80 x 65 cm - 2011 -2012, Impression jet d’encre pigmentaire sur papier.
Galerie Françoise Paviot – 57 rue Sainte-Anne 75002 Paris - 01 42 60 10 01

www.paviotfoto.com

 

Images :

* La main et vous, 80 x 65 cm - 2011 -2012, Impression jet d’encre pigmentaire sur papier.

** Palestine, 80 x 65 cm - 2011 -2012, Impression jet d’encre pigmentaire sur papier.

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11 février 2013 1 11 /02 /février /2013 12:44

Vo-Danh--2.2.1861--2009.jpgCe que l’artiste a inventé, c’est un processus qui va d’un objet à ce que j’ai devant les yeux. On peut considérer l’objet initial comme un ready made, mais sa charge émotionnelle et symbolique le situe plutôt du côté des reliques. Les œuvres conceptuelles réduites à quelques lignes d’écriture émeuvent rarement. Mais là, il s’agit de la dernière lettre d’un condamné à mort à son père. L’artiste a demandé à son propre père de la recopier chaque fois qu’on voudrait en acheter une copie. Il y en a plusieurs dans l’exposition. C’est une de ces copies que je regarde. Et lis. Rédigée en français et d’un graphisme très appliqué je peux la lire de bout en bout. C’est une lettre écrite par saint Théophane Vénard, décapité au Tonkin (Nord du Vietnam, autour de Hanoï) le 2 février 1861 et canonisé par Jean-Paul II en 1988. Vo-Danh--2008--fragment-de-sculpture-de-St-Joseph--160c.-e.jpg

Ma lecture de prêtre catholique n’est certainement pas celle de l’artiste, Danh Vỡ, ni de son père, tous deux vietnamiens. Dans la superbe rotonde de l’Espace Louis Vuitton, au sol, une autre œuvre de Danh Vỡ. Un sac de voyage contient une tranche de statue en bois, on devine les pieds. De saint Joseph, révèle le cartel. S’agit-il de renvoyer un don indésirable ? De disséminer par fragments, à l’inverse de la lettre unique, disséminée par multiplication..? La dimension anticolonialiste de l’œuvre n’en clôt certainement pas la signification. Réactiver les rapports équivoques entre mission et colonisation n’occulte pas la poésie très sensible de la lettre. On peut s’interroger aussi sur sa rigueur théologique ? Dans le contexte d’une exposition consacrée au mail art et aux diverses formes de « correspondances » l’envoi et le transport à travers le temps et l’espace nourriront la réflexion.

Mais je voudrais en revenir à un naïf premier degré. La découverte et la lecture de cette lettre dans une exposition d’art contemporain surprennent. Elle m’a touché. On peut être saisi par le ton serein, la foi paisible et l’heureuse espérance qui l’inspirent. L’écriture appliquée du père de l’artiste renforce cette impression de calme à l’approche de la mort. Vo-Danh--2008--fragment-de-sculpture-de-St-Joseph--1600c.-.jpgQuant à la présence plastique du fragment de statue dans un bagage pour cabine d’avion, elle dépasse largement l’illustration d’une idéologie qu’on risque de vouloir lui faire jouer. Un morceau de patrimoine dépecé pour entrer dans le trafic international apparait aussi emblématique des limites du combat sanglant entre culture de la mondialisation et art. D’autant plus qu’exposé chez le magnat des bagages de luxe ! Vous pouvez sourire.

La foi ouvre de nouvelles correspondances. A leur tour, inattendues. Et ce dans toute exposition et devant toute œuvre d’art.

 

Correspondances jusqu’au 5 mai

Espace culturel Louis Vuitton, 60, rue de Bassano 75008 Paris

 01 53 57 52 03.  http://www.louisvuitton-espaceculturel.com/index_FR.html

 Eleanor Antin, Stephen Antonakos, Walead Beshty, Alighiero Boetti, Jan Dibbets, Eugenio Dittborn, Clarisse Hahn, Ray Johnson, Guillaume Leblon, Kurt Ryslavy, Vittorio Santoro, Danh Vỡ.

Commissaire : Erik Verhagen

Le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris présentera une exposition consacrée à Danh Vo, GO MO NI MA DA, du 24 mai au 18 août 2013.


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31 janvier 2013 4 31 /01 /janvier /2013 10:43

Gisinger.JPGVous voyez, quand on sort du Centre Photographique d’Ile de France, à Pontault-Combault, on comprend le caractère emblématique de ce portrait en couleurs enchâssé dans une sorte de grand poster noir et blanc qu’on a vu en entrant. D’emblée séduit et intrigué j’avais remarqué l’intensité du regard, et la balustrade qui le met en scène comme autrefois les Vierge à l’Enfant de la Renaissance italienne. On retrouve plusieurs fois ce dispositif de portraits en buste d’observateurs derrière la même balustrade, toujours centrés par l’intensité de leur regard : Betrachterbilder (1998). Clin d’œil : l’un des observateurs porte au cou une médaille de Vierge à l’Enfant… On pourrait se contenter de la contemplation d’une telle photographie d’un dispositif d’observation, mise en abyme de mon propre regard dans un lieu d’exposition de photos. Mais le travail d’Arno Gisinger, également présenté à Braunchweig (Allemagne), Bienne (Suisse) et Linz (Autriche) va nous entrainer beaucoup plus loin et exiger de dépasser la seule saveur de la contemplation émue.

Que regardent les regardeurs ? La guerre. Plus exactement, un panorama peint de plus de 1000 m2 représentant la bataille de 1809 entre les troupes napoléoniennes et tyroliennes à Innsbruck, Autriche. C’est la grande photo noir et blanc vue à l’entrée, fond en contre-champ du portrait en couleurs et intitulée : Faux terrain (1997). Comment montrer et regarder ces traces des guerres qui font l’Histoire ?

Gisinger-2.JPGDans la gigantesque salle principale, les différents accrochages ainsi que la présence de maquettes des autres lieux d’exposition, vont initier efficacement aux recherches d’Arno Gisinger. Il interroge à la fois la photographie et ses dispositifs. La photographie en tension « palpable » entre service des sciences pour explorer, inventorier, archiver, conserver, et art de faire mémoire, de donner à éprouver au-delà et en-deçà des mots. Ainsi l’exposition « Topoï » - à la fois lieux et sujets-propos - met en synergie plusieurs séries, y compris le catalogue exposé comme une œuvre. Des tirages contrecollés sur aluminium et accrochés comme des tableaux : 645 petits formats en blocs compacts pour Invent arisiert (2000) et des moyens et grands formats comme les Betrachterbilder ; mais aussi des impressions jet d’encre directement collés sur le mur et ainsi associés à l’architecture du Centre (Konstellation Benjamin, 2005-2009), ce que les maquettes des autres lieux d’exposition et accrochages viennent souligner. De la même manière des écritures transforment en supports et donc en lieux (topoï) les photos sur lesquelles elles sont inscrites (Konstellation Benjamin et Invent arisiert). Entre les deux, Arno Gisinger photographie des lieux de mémoire, aujourd’hui, soit figés dans le passé comme à Oradour-sur-Glane (Oradour, 1994) soit vacants, oubliés et indifférents comme ceux que Walter Benjamin a hanté ou ce terrible Messerschmitthalle (1995) photo dénuée de qualités esthétiques d’un site muré, aveugle et inaccessible, ici révélé. L’exposition s’achève sur le diaporama des pages de photos d’un même livre d’histoire allemand dans ses trois rééditions de 1928, 1931 et 1933.

« Topoï » est une exposition exigeante, mais l’effort qu’elle requiert donne d’en sortir un peu plus intelligent et riche. A vous de voir si vous en avez besoin. J

ARNO GISINGER, TOPOÏ jusqu’au 31/03/2013,

CPIF, Centre Photographique d’Ile de France, www.cpif.net

107, avenue de la République 77340 Pontault-Combault, 01 70 05 49 80

Entrée libre du mercredi au vendredi 10h-18h, les samedis et dimanches 14h-18h

Images : A l’entrée, Betrachterbilder, 1998 sur Faux terrain, 1997.

Vue de la grande salle, à g. Konstellation Benjamin, 2005-09, à dr. Invent arisiert, 2000, avec les maquettes du Museum für photographie Braunschweig, Photoforum Pasquart de Bienne et la Landesgalerie de Linz.

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24 janvier 2013 4 24 /01 /janvier /2013 11:07

2012--Paysage-oublie--resine--acryl--roulettes--50x10x20.JPGIl y a un petit bonhomme en t-shirt vert qui voudrait bien s’asseoir tranquillement au soleil. Mais l’ombre d’un arbre le rattrape sans cesse alors il tire sa chaise de quelques pas et ça recommence. Pfff ! C’est absurde ! Et en plus ce dessin animé simpliste qui défile en boucle d’une minute capte mon attention. A force de le regarder, je remarque le trajet de l’ombre  : l’animation l’accélère mais en un solennel mouvement courbe, bien cohérent avec la rotation de la Terre. Alors que le petit bonhomme, lui, traverse l’écran en ligne droite de gauche à droite. Marcher toujours le plus droit possible serait, selon la seconde maxime de Descartes, le gage d’une sortie des embrouilles et la méthode pour échapper à tous les égarements. Et, de fait, le petit bonhomme, il va la trouver sa place au soleil, j’imagine – mais hors champ et bien tard. Soleil couché..?

Curieusement, lui et sa chaise n’ont pas d’ombre alors que, somptueuse présence, l’ombre de l’arbre s’impose. Cette remarque me tarabuste.

On peut voir « Ma place au soleil » d’Anne Brégeaut en ce moment dans son exposition monographique intitulée « Au pays du jamais-jamais » à la Maison des arts de Malakoff. Elle y présente dessins, peintures – souvent de la gouache – sculptures, installation, deux animations, et des bouts de phrases encadrés comme des tableaux. Des poèmes, plus courts que des haïkus, de quelques mots absents, je veux dire en réserve d’un pâle halo rose : « l’illusion comme train-train », « au bord du rêve », « nos mensonges »... qui avouent des recoins et des refuges familiers aux enfants. A leur insu. Nommées, les illusions ne font plus guère illusion !

« Ma place au soleil » a la simplicité des aquarelles que Saint Exupéry a réalisées pour le Petit Prince. Vous savez ce petit bonhomme à qui il suffit de tirer sa chaise de quelques pas pour voir un coucher de soleil. Au point qu’un jour, il a vu le soleil se coucher quarante-trois fois. « Quand on est tellement triste on aime les couchers de soleil. » (Le Petit Prince, ch.VI) L’enfant triste auquel se réfère Anne Brégeaut c’est plutôt Peter Pan qui a donné son nom au syndrome des « adulescents ».  Mais laissons à la psychanalyse la déconstruction des rapports entre le Petit Prince, Peter Pan, en aval du redoublement de la lettre P, et aux générations X et Y. Pour savourer l’art d’Anne Brégeaut tellement propice à la méditation.

Plus que le soleil, pour ma part c’est l’ombre que je cherche. Non pas mon ombre comme celle qui manque au petit bonhomme et à sa chaise, ou celle que Peter Pan a égarée dans la maison familiale des Darling, non, mais l’ombre du pommier parmi les arbres d'un verger, semblable au bien-aimé que cherche la fiancée du Cantique des cantiques (Ct.2,3). L’ombre de la puissance du Très-haut annoncée à Marie (Lc.1,35).

Ne négligeons pas notre ombre pour une vaine place au soleil.

 

Anne Brégeaut, « Au pays du jamais-jamais » jusqu’au 24 mars 2013
Maison des Arts de Malakoff 
105, avenue du 12 février 1934 - 92240 Malakoff / 01 47 35 96 94

http://maisondesarts.malakoff.fr/agenda/exposition/anne-bregeaut

  En novembre 2010 on avait déjà contemplé une œuvre d’Anne Brégeaut :
http://lamedelart.over-blog.com/article-anne-bregeaut-au-mac-val-61343599.html

 Images :
2012, Paysage oublié, résine, peinture acrylique, roulettes, 50x10x20
On peut voir « Ma place au soleil » : http://youtu.be/e9QxSxr2b6k

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16 janvier 2013 3 16 /01 /janvier /2013 11:25

Que faut-il regarder ? Ce tableau abstrait dont la couleur argentée semble grossièrement appliquée à la main, comme en témoigne la sinuosité des méandres tracés par les doigts ? La sculpture parallélépipédique posée à même le sol, volume qui en supporte la surface froidement éclairée ? Ou bien ses autres faces couvertes de la même matière noire ? Le projecteur qui l’éclaire, posé aussi sur le sol et qui n’est pas un habituel projecteur de galerie ; il s’agirait d’une « suite » (je crois) au music hall, ou d’une « découpe » tant la lumière qu’il projette peut adapter précisément une forme géométrique à ce qu’il éclaire ? Ici, la blanche lumière déborde d’un petit centimètre, ce qui projette au mur une ombre noire, dense et rectangulaire encadrée de blanc et soulignée par un léger halo bleu, seule couleur de toute l’exposition due à un effet d’optique.

Que faut-il regarder ? Probablement l’ensemble, comme une installation dans laquelle je puis donc pénétrer. En m’interposant devant le projecteur, mon ombre révèle alors que la matière qui couvre la surface éclairée du bloc est noire, et non pas argentée comme le puissant faisceau de lumière blanche le faisait croire.

 La fascination exercée par un tel dispositif provient en partie du jeu – au sens de décalage – qu’il introduit dans la perception. Il faut résister à la tentation de toucher. .La puissance de l’éclairage métamorphose un moment en argent une matière que les traces me font imaginer grasse et malléable. Illusion aussi dérangeante que le serait une serpillère dorée selon l’exemple habituel.

En dépassant la seule confrontation matière épaisse et noire (de la graisse) / lumière impalpable et intense, l’installation allégorise la confrontation de deux artistes : David Tremlett et Michel Verjux, un maître de la couleur murale, un maître de la lumière projetée dans l’architecture. Jamais ces deux artistes n'auraient imaginé une telle complémentarité, entre un volume, sa surface, son éclairage et son ombre ; une telle mutation quasi alchimique de la vile graisse noire enduite d’un geste primitif en un miroitement argenté aux formes épurées. Avec deux autres œuvres, l’exposition intitulée « Light from Matter / Matter from light » célèbre ainsi l’alliance jubilatoire de la matière grasse et noire, de la lumière pure et blanche  et du regard, à la fois fasciné et inquiet. Alliance féconde donnant à éprouver de lumineuses sensations, au-delà de nos nécessaires mais insuffisantes dichotomies.

Oui, au-delà.

P1100394.JPG


David Tremlett est né en 1945. Il vit et travaille à Londres.

Michel Verjux est né en 1956 à Chalon-sur-Saône et vit à Paris.

Galerie Jean Brolly, 16 rue de Montmorency 75003 Paris, jusqu’au 9 février 2013.

tel. : 01 42 78 88 02  http://www.jeanbrolly.com

Images : David Tremlett, Michel Verjux, st, 2012, galerie Jean Brolly

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10 janvier 2013 4 10 /01 /janvier /2013 11:53

01-Gu-Dexin--2006--september-2nd-2006-.JPGLe CENTQUATRE, vous y êtes déjà allés ? Ce bâtiment édifié par l’Eglise diocésaine, devenu le Service municipal des pompes funèbres de 1905 à 1997, est aujourd’hui dédié à la création contemporaine dans toute sa diversité. Le lieu se compose de places publiques très animées, d’ateliers de recherche et d’espaces de représentation. Situé dans le quartier Flandre, à la frontière de la capitale et sur un territoire riche de populations variées, le CENTQUATRE se veut un espace artistique de service public. Pour ce qui concerne les arts visuels, les expositions actuelles bénéficient de ses imposants volumes et y déploient de monumentales installations d’un accès facile.

Le labyrinthe de Michelangelo Pistoletto permet une vraie errance jusqu’à son puits central. Les petits oiseaux de Céleste Boursier-Mougenot peuvent largement s’ébattre et improviser leurs riffs électriques. Et les tonnes de pommes du Chinois Gu Dexin répandent leur parfum au pied d’un rouleau compresseur dans la halle côté Aubervilliers dont elles n’occupent finalement qu’une portion raisonnable.

Le côté ludique de ces œuvres ne sert pas toujours une éventuelle exigence artistique… On s’interrogera sur le titre de l’exposition « Par nature » dont on se demande parfois s’il rassemble bien toutes les œuvres proposées. Mais de beaux désirs y affleurent : de liberté, de pureté, de paix, de justice. On ne manquera pas de se faire photographier à plusieurs mètres du sol avec des ailes dans le dos, auréolé d’un I am free de néon blanc installé par l’Egyptien Moataz Nasr. On se promènera plus inquiet dans l’obscur labyrinthe du très artificiel jardin d’Eden que Joana Vasconcelos a planté, tout scintillant de ses lueurs multicolores de fibre optique…

P1100425.JPGUn micro très sophistiqué au-dessus d’une souche d’arbre un peu pourrie ! Qu’a-t-elle donc à nous dire ? Qu’il y a de la vie cachée, de la vie implacable là où on ne l’attend plus. Des vers à bois grignotent et la haute qualité technique de l’amplification permet d’entendre leur affairement. Woodworms de Zimoun, impressionne et donne à méditer. Dans la pièce à côté, des portraits photographiques de même format. Des cols blancs, hommes tous cravatés du même bleu ciel, femmes en chemisier ouvert dans l’échancrure du même tailleur. Tous sur le même fond anonyme bleuté. « Le meilleur des mondes ? » nous interroge un peu naïvement Christophe Beauregard, le photographe. La volonté d’uniformité, au lieu de masquer, exhibe les différences que la vie a creusées sur ces visages. Non, « l’habit ne fait pas le moine » ! Tous n’ont pas la même histoire. Des détails physiques trahissent leur condition sociale. On découvrira par la suite qu’il y va aussi de leur santé et justement de leur rapport à la différence. Cette œuvre forte peut clore le parcours sur une note plus grave, et l’interroger : entre rouleau compresseur prêt à broyer des tonnes de pommes et paradis artificiel d’un jardin d’Eden synthétique, qu’entendons-nous par « nature » ?

Images: * 01 Gu Dexin, 2006, september 2nd 2006.
** 02 Christophe Beauregard, 2012, Le meilleur des mondes ?
*** 03 Moataz Nasr, 2012, I am free.

P1100434.JPG

Jusqu’au 17 mars 2013, 5 rue Curial 75019, 01 53 35 50 00, http://www.104.fr/

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29 décembre 2012 6 29 /12 /décembre /2012 18:43

Asim-Waqif.JPG« Les dérives de l’imaginaire », les modules de la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent, les « Matières premières » de Fabrice Hyber, « Après l’histoire : Alexandre Kojève photographe », « La estrategia » d’Ivan Argote… Pendant plus de trois heures j’ai arpenté les vastes espaces et les recoins du Palais de Tokyo. Je n’ai pas tout vu. Et encore moins pris le temps de tout regarder. Je me réjouissais – trop ? - de retrouvailles. Avec Rodney Graham dont je garde en mémoire la poésie de « Rheinmetall-Victoria 8 », ou encore avec Ryan Gander découvert « en courant d’air » à la dernière Documenta. J’en ressors un peu tristounet. Des concepts intéressants donnent tellement de réalisations médiocres et démonstratives ! Du coup, remarquez, on affûte son observation et son discernement. « Bordel monstre » d’Asim Waqif et « Cloud Island » de Fiona Tan justifient à elles seules le déplacement. Une installation monumentale et un film de 45 minutes.

 « Bordel monstre » d’Asim Waqif porte mal son titre. C’est un enchevêtrement de palettes, bambous, roseaux, planches, avec cuvettes, cône de signalisation, gilet de sauvetage, louche, tréteaux, évier, manches à balais… ponctué de diffusions sonores guillerettes réglées par un système électronique interactif complexe. Un enchevêtrement, oui, mais très adroit et bien conçu. On y pénètre – sous sa propre responsabilité : un panneau vous prévient - par un vague tunnel qui mène à un palier surélevé. De judicieuses ouvertures permettent d’en sortir, d’en contempler l’ensemble et de contourner cette cabane discrètement sophistiquée. Réjouissant ! Pas envie d’en extraire un quelconque « message », forcément socio-économico-écolo, mais d’y éprouver comme une condensation par résidus interposés de l’ensemble du lieu d’exposition ; du coup, ludique. On prend tout quand une forme énigmatique s’avère délectable !

En revanche « Cloud Island » de Fiona Tan requiert une attention soutenue. Aidée par le rigoureux dessin des images en haute définition, des cadrages soignés et subtiles, un montage sur la frontière entre documentaire et fiction. Une bande son parcourue de longs silences accompagne cette qualité raffinée des images. Pas de voix off explicative, tout se donne à éprouver. Des solitudes immobiles, l’activité bavarde de vieilles femmes, bâtiments et objets abandonnés, l’intrusion d’une froide construction contemporaine… Jusqu’au moindre souffle de vent sur un lambeau de tissu à la trame effilochée, quelques cheveux blancs, un court rideau. La caméra contemplative de Fiona Tan nous introduit ainsi dans le petit monde vieillissant de l’île d’Inujima choisie, avec d’autres, pour accueillir le grandiose projet artistique Benesse Art Site Naoshima de la mer intérieure de Seto au Japon. Elle nous invite surtout à un regard plus vigilant sur notre propre petit monde.

Tout renseignement sur : http://www.palaisdetokyo.com/

Image : Asim Waqif, Bordel monstre, 2012,  Cf. http://asimwaqif.com/

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19 décembre 2012 3 19 /12 /décembre /2012 18:24

Clairiere--2012--huile-sur-toile--50x100.JPGParlons de la peinture. Allez, avec une majuscule : la Peinture. Cet art qui porte le nom de son matériau. Un matériau ignoble, fait de terres mêlées à un liant plutôt nauséabond, autant dire de la boue, souvent grasse, enduite par touches et par couches vouées à se dessécher. Mais La Peinture, art primordial ! L’art des couleurs, substances emblématiques comme incarnat, cinabre ou laque de garance pour le rouge de la chair et du sang autant que du feu et de l’esprit. La Peinture qu’on a voulu tuer, dont on a voulu faire croire au décès et qui s’affirme, par-dessus les modes lamentables, plus puissante que jamais sur le front de l’art contemporain. L’art, c’est forcément maintenant. Et la Peinture travaille son histoire au présent. Après Courbet, Bacon, Freud, Richter, Hantaï, Garouste et Soulages, Desgrandchamps et Cognée, Ronan Barrot, pas encore quarante ans ouvre brillamment le 21ème siècle.

Zwielicht--2009--huile-sur-toile--55x33--coll.-part.JPGOn peut – on doit - s’en convaincre en ce moment au musée d'Art et d'Histoire Louis Senlecq de L’Isle Adam qui propose une cinquantaine de ses tableaux récents, tous en collections particulières. Au printemps 2013, l’exposition rejoindra le musée départemental Gustave Courbet à Ornans. Comme à demeure…

Depuis une bonne douzaine d’années que je goûte et observe son travail, j’admire toujours la vraie aventure de peinture qui se joue sur ses toiles. Dépouillé de ses facilités de virtuose, le peintre approche désormais des sommets où les écoles et les maîtres dont on aimerait le rapprocher se fondent en un style puissant et singulier. Dans son paysage pictural unique, on peut encore discerner trois contrées, des "éclaircies", des "clairières"1 ouvertes sur d’autres horizons. A venir. L’une riche en matière, noire et vive, élégante et violente à la fois : ce sont les paysages et peintures d’histoire dont la série indéfinie des crânes constitue une sorte de palette. Une autre, plus dessinée, sur des glacis en camaïeu laissant paraître ou transparaître le support : ces « claques picturales », rares, s’intitulent, Demain les chiens (2009-12), L’homme rouge… Une dernière très austère, intériorisée, nocturne, souvent intitulée Exorde, a éliminé les couleurs et ne retient que l’apparaître d’une posture, d’un geste, d’une rencontre. Plusieurs œuvres, dont les portraits, composent allègrement ces trois contrées.

Le noir domine. Le tableau choisi pour l’affiche donne à voir la pénombre du crépuscule, moment équivoque entre chien et loup. Son titre, Zwielicht, fait un clin d’œil au bestseller et film culte des adolescentes, Twilight. Ronan Barrot semble s’y colleter, comme toujours, avec l’abîme du non-sens inscrit dans le cosmos. Même s’il peint l’arbre et le crâne d’une « résurrection ratée » (titre de l’un des tableaux) Ronan Barrot en transcende les affres et témoigne d’un Souffle qui dépasse - à son insu – le tragique dont tout son art est imprégné. Nécessaire.


1. Titres de tableaux de Ronan Barrot, renvoyant à la traduction de l'allemand Lichtung, allègement à partir de quoi toute chose se donne à voir, concept clé dans la pensée de Martin Heidegger.

 

Escande - Ronan Barrot, peintures, musée d'Art et d'Histoire Louis Senlecq, 31, Grande Rue 95290 L'Isle-Adam, jusqu’au 24 février 2013, en collaboration avec le musée départemental Gustave Courbet à Ornans.

Images : * Clairière, 2012, huile sur toile, 50x100, coll. part.

** Zwielicht, 2009, huile sur toile, 55x33, coll. part

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10 décembre 2012 1 10 /12 /décembre /2012 10:31

Granet.jpgAdieu à l’Italie, de Bruno Racine, chez Gallimard, m’a permis de demeurer « en art » sans quitter ma demeure. C’est un petit roman : moins de cent pages. Mais long en bouche. Il me laisse l’impression d’avoir goûté à la moelle du vivant. Parce qu’œuvre d’un érudit, certes, mais surtout d’un gourmand de beau français. Actuel président de la Bibliothèque de France, ex-directeur de la Villa Médicis et ex-président du Centre Pompidou, excusez du peu. Mais ces titres n’induisent pas nécessairement la langue gouleyante et d’une sobre rondeur qu’il nous sert avec bonheur. Une écriture qui fait voir. Et qui fait voir des images testament ou journal intime, c’est-à-dire avec la considération qu’inspirent des écrits.

Bruno Racine se mesure à l’art des images, à la peinture en particulier puisqu’il s’agit d’une biographie romancée du peintre François Marius Granet qui a donné son nom au musée des Beaux-arts d’Aix en Provence.

Après une première scène chez le notaire en guise de prologue où le peintre signe son généreux testament, nous le retrouvons dans son atelier, une ancienne remise de la bastide de Malvallat où il vit retiré. Il y a là deux tableaux. Inachevés. C’est du moins ce qu’il affirme à son apprenti, Baptistin qu’il traite un peu comme un fils. Le livre comporte les reproductions en noir et blanc de ces deux tableaux : Une messe sous la Terreur et Service funèbre pour madame Granet. Le premier que l’artiste considère comme le récapitulatif de son existence lui permet d’en évoquer les souvenirs marquants : ses 18 ans lorsqu’il s’enrôle à l’appel de la Convention, son titre de peintre de l’Arsenal de Toulon, ses voyages à Rome, son ami mécène, et ses maîtres Constantin et David, son second départ pour Paris, impardonnable puisqu’il le prive de vivre les derniers moments de ses deux parents. Le tableau l’amène aussi à reconsidérer son art, ses trouvailles devenues procédés, le goût des sujets décalés, à l’écart et souterrains, les trop nombreuses répliques de son tableau à succès, Le chœur des Capucins, ses exigences aussi qu’il aimerait transmettre à Baptistin, mais l’art peut-il se transmettre ? Il repense à ce grand portefeuille avec lequel Ingres l’avait plusieurs fois représenté. Baptistin le feuillette, là, rempli d’aquarelles et de dessins. Et si une autre manière de peindre y germait à son insu ? Où l’imitation s’efface devant le signe…

Les dix dernières pages montrent l’artiste devant le second tableau. Il va soudain décider d’achever celui-ci par la représentation d’un « enfant au regard profond prêt à s’émerveiller de tout alors que le chagrin l’environne. »

Ce sont les derniers mots de ce roman magnifique. Les questions, les peurs et les doutes du peintre autrefois célèbre et puissant, lucide sur les pouvoirs de la mode et le carcan des contraintes politiques, rejoignent les questions et les doutes non seulement des artistes d’aujourd’hui mais de tout un chacun. Dans ses deux tableaux, le peintre a représenté la Messe au moment de l’élévation. Avec délicatesse Bruno Racine évoque l’appel de l’ermitage que François Granet a éprouvé devant le portrait de son saint patron à Subiaco. L’artiste et son art à proximité du Créateur.

Image : Une messe sous la Terreur , François-Marius Granet, 1847, huile sur toile, musée Granet, Aix en Provence, cliché de Bernard Terlay reproduit dans le livre.

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