La culture contemporaine porte en elle des anticorps aux maladies qui la rongent. A la Comédie Française on peut participer à un moment de Théâtre exceptionnel : Andromaque de Jean Racine mise en scène par Muriel Mayette. Quand l’administratrice générale de la Comédie Française met en scène Andromaque, elle n’a pas besoin de ‘coups de théâtre’. Elle sert le Théâtre. Perfection de la diction de tous les acteurs, harmonie des lumières et des tons (sable-ivoire sur gris bleuté), construction rigoureuse du décor, sobriété des costumes, tout sert le Théâtre. Sans vaniteuses boursouflures, ni régression réactionnaire cette Andromaque n’est pourtant pas sans invention.
On y découvre une modernité dramatique. Presque un drame psychologique vécu au rythme des passions humaines. Pourtant, les protagonistes ne gesticulent jamais ; échanger un regard demeure un désir : « Mais madame du moins tournez vers moi les yeux… » implore Pyrrhus. Commencée par une étreinte amicale, cette Andromaque maintient les corps à distance.
L’écart entre les quatre doubles colonnes monumentales qui organisent la scène s’accorde à cet espace qui isole les quatre duos : Hermione, Andromaque, Pyrrhus, Oreste avec chacun son confident. Et dans cet espace, immense, l’impalpable voix, seule, peut toucher. Des silences parsèment le temps de la parole. Ils viennent trouer d’attente et ennoblir.
Et transfigurant l’humaine émotion en vibration du cosmos, les alexandrins par vagues se répondent et rappellent que le divin Logos habite les amours humaines : Pyrrhus à Hermione : « Je crains votre silence et non pas vos injures ; et mon cœur soulevant mille secrets témoins, m’en dira d’autant plus que vous m’en direz moins »
Mis à part l’omniprésence d'une musique de supermarché qu’on arrive à oublier et d’anecdotiques chutes de feuilles, cette présentation d’Andromaque à la Comédie Française est une pure réussite. A voir jusqu’ au 14 février 2011.
