Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
9 septembre 2012 7 09 /09 /septembre /2012 18:08

Les soirées du Marais s’encombrent de bavardages verre à la main devant les galeries. Oui, oui, c’est la rentrée. Allez, on commence par un simple coup de cœur. Pour le plaisir.

Et on entre chez Martine et Thibault de la Châtre, rue de Saintonge. Là, débordant le triangle qui tentait de la contenir, une vague écumante, à moins qu’il s’agisse d’une nuée, ou de la montagne telle que la représentaient les iconographes byzantins ? Au fond, qu’importe : c’est l’effervescence d’une ligne. Ici, un arbre suspendu transgresse le rectangle qui l’encadre.

Je m’en méfie comme de la pub mais indéniablement ces dessins exercent une incroyable séduction. Est-ce l’élégance de la ligne sinueuse, impalpable, plus fine qu’un cheveu confrontée au cadre géométrique, épais et soigneusement peint en trois ou quatre bandes de couleur ? Encre et gouache sur le blanc de la feuille comme sur leur dansefloor se croisent, s’affrontent, s’interrompent, s’excluent, dedans ou dehors. Parfois même, un cartouche silencieux rogne l’espace imagé. Je pense à des enluminures sans manuscrits, en attente de légende ; à des miniatures persanes sans couleurs, et même à leur influence chinoise… Mais les protagonistes portent casquette et baskets quand ils ne brandissent pas un balai ou une matraque de policier !

La ligne raconte sans qu’on sache très bien quoi. Quand le raffinement fait alliance avec la brutalité, l’humour n’est pas négligé. Que fait exactement cet homme qui semble danser alors qu’un lion le dévore, perché sur ses épaules avec la distinction d’une cape royale ? Enigmatique. Exotique. En tout cas, un champ ouvert aux songes. Y a-t-il référence ou allusion à des cultures que j’ignore ? Certainement celle de l’auteur et de son imagination servie d’une main de maître. Une main qui, elle, semble avoir dansé, tant la virtuosité du trait fait oublier les qualités techniques d’un travail extrêmement précis.

Le « maître » a 26 ans ! Il se nomme Achraf Touloub.

Dans une voiture, un jour il déclenche la vidéo de son téléphone et vise le ciel tant bien que mal. Là encore, ce sont les lignes qui s’entrecroisent, se superposent : trainées blanches et rectilignes des avions, courbes noires des lampadaires…

La ligne. C’est l’élémentaire du travail d’Achraf Touloub. Inévitablement il la gravera un jour dans le métal. Pour offrir en estampes, au milieu des brutalités du quotidien « post colonial » qu’il dénonce discrètement, l’élégance d’autres joutes graphiques à nos yeux avides d’enchantements.

 

2753 

 

Image : Achraf Touloub, Sans Titre (Ether), 2012 dessin à l'encre et gouache sur papier, 54 x 70 cm

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

M
Bien vu: bravo
Répondre